Page:Encyclopédie méthodique - Economie politique, T01.djvu/254

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

La modération est donc l’ame de ces gouvernemens. J’entends celle qui est fondée sur la vertu, non pas celle qui vient d’une lâcheté & d’une paresse de l’ame.

Des loix relatives a la nature de l’aristocratie. Dans {’aristocratie, la souveraine puissance est .entre les mains d’un certain nombre de personnes. Ce font elles qui font les loix & qui les font .exécuter,. & le reste du peuple n’est tout au plus à leur égard que comme, dans une monarchie , les sujets/sont à l’égard du monarque. On n’y doit point donner le suffrage par fort ; on n’en auroit que les inconvéniens.. En effet, dans un gouvernement qui a déjá établi les dis-, tinctions les plus affligeantes , quand on seroit -choisi parle sort, on n’en seroit pas moins odieux ; c’est le noble qu’on ényie, & non pasle magistrat. ’

.

• ;•-. Lorsque lés nobles font en grand nombre, il faut un sénat qui règle les affaires que le corps - dés nobles ne fauroit décider , & qui prépare •celles dont il décide. Dans ce cas , on peut dire quelaristocratie est en quelque forte dans le sénat, •la démocratie dans le corps des nobles, 8é que le peuple n’est rien.

, Ce fera une chose très-heureuse dans Yaristo- : crade 3 si^ par quelque voie indirecte, on fait, íortir le peuple de son anéantissement ; ainsi à’ Gênes la banque de S. George, qui est adminif-^ trée en grande partie par les principaux du peuple , donne à celui-ci une certaine influence dans Jegouvernement, qui en fait tôute la prospérité (i). ’ : Les sénateurs ne doivent point avoir le droit’ "de remplacer ceux qui manquent dans le sénat ;; lien ne seroit plus capable de perpétuer les abus. A Rome, qui fut dans les premiers temps une espèce à’aristocratie , le sénat ne se suppléoit pas - lui-même ; les sénateurs nouveaux étoient nommés (2) par lés censeurs. Une autorité exorbitante donnée tout-à-coup à un citoyen dans une république, forme une monarchie, ou plus qu’une monarchie. Dans celles-ci , les loix ont pourvu à la constitution, ou s’y sont accommodées j le principe du gouvernement arrête le monarque ; mais, dans une république où un citoyen se fait donneríj) un pouvoir exorbitant -, l’abus de ce pouvoir est plus •grand , parce que les loix qui ne Pont point prévu , n’ont rien fait pour l’arrêter. L’exception à cette règle est lorsque la ’constitution de Pétat est tellé qu’il a besoin d’une ma- /gistratute qui ait un pouvoirexorbitant. Tellé étoit Rome avec ses dictateurs, telle est Venise avec ses inquisiteurs d’état’ ; ce font des magistratures terribles , qui ramènent violemment Pétat à la liberté. Mais d’où vient que ces magistratures se trouvent si différentes dans ces deux républiques ? C’est que Rome défendoit les restes de son aristocratie contre le peuple , au lieu que Venise "fe^ sert de ses inquisiteurs d’état pour maintenir son ’aristocratie contre les noble. ?. De.là il fuit qu’à Rome la dictature ne dévoit durer que peu de temps, parce que le peuple agit par fa fougue., & non pas par ses desseins. II falloir que cette magistrature s’exerçât : avec éclat, parce qu’il s’agissoit d’intimider le peuple, & non pas de le punir ;, que le dictateur ne fût créé que pour une feuie affaire*, & n’eût une autorité fans bornes qu’à raison de cette affaire ," parce qu’il étoit toujours crté pojir un cas imprévu. A Venise , au contraire , il faut une magistrature permanente : c’est - là que les desseins peuvent être commencés, suivis, suspendus, re^ jiris ; que l’ambition d’un seul devient celle d’une famille -,, & l’ambition d’une famille celle de plu- . fieurs. On a besoin’ d’une magistrature cachée , parce que les crimes qu’elle punit, toujours profonds, se forment dans le secret & dans lé silence. Cette magistrature doit avoir une inquisition générale, parce qu’elle n’a pas à arrêter les maux que l’on connoît, mais à prévenir même ceux qu’on né connoît pas. Enfin cétté dernière est. établie pour venger les crimes qu’elle soupçonne ; & la première émployoit plus lés menacés que les punitions^ pour les crimes,_ même avoués par leyrs auteurs. ....."" Dans toute magistratnre, il faut compensés la grandeur de-la puissance par la brièveté de. la durée. Un an est le temps que la plupart des législateurs ont sixé ; un têmps plus long seroit dangereux , un plus court seroit contre la nature de la chose. Qui est-ce qui voudroit-gouverner ainsi ses affaires domestiques ? A Ragufe, (4) le chef de la république change tous les mois ; les autresofficiers toutes les semaines ; le gouverneur du château tous les jours. Ceci ne peut avoir Tien que dans une petite république (5) environnée de puissances formidables, qui corromproient aisé^> ment de petits magistrats. La meilleure aristocratie est celle où la . partie du peuple, qui n’a point de ’part à }a puissance., ’est fi pauvre~que la partie dominante,n’a- aucun intérêt à Popprimer. Ainsi, quand Antipater.{(,) établit à Athènes que ceux qui- naiirpient pas (i).Voye{ M. Adiílpn , voyage d’Italie, page iá. (2) Ils le furent d’abord par jes consuls. ’ (î> C’est ce qui renversa la république romaine. Pbyej les Considérations fur les «auses de ïa ^grandeur éestomú&s & de leur décadence. ’

.i

,, (4) Voyages de Tournefort. _ (s) A Luques , les magistrats ne font établis que pour deux mois» . (6) Diodgre, liv. XVIII, pag. 601 , édition de Rhodoman,