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qui, depuis long-temps, ne rapporte pas ce qu’on en devroit retirer, & qui s’épuisera enfin si l’on n’arrête pas les progrès du dépérissement des parties qui peuvent encore se perpétuer, & fi l’on ne renouvelle pas celles qui ne peuvent se régénérer.

La cause du mal est dans l’exploitation même.

Les forêts & les bois s’exploitent de deux manières.

Dans la première, on les attend en massifs de futaie, & on ne les coupe qu’aux âges de 100, 200 & même 300 ans.

Dans la seconde, on les exploite en taillis qu’on coupe à différens âges, en réservant des baliveaux à chaque coupe.

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Que réfute-il de la première manière ?

En attendant qu’une forêt devienne futaie, on n’en retire aucun produit ; & lorsqu’on la coupe , en la supposant toute en chêne, elle në donne aucunsbois propres à.la construction des bâtirriens de mer, ni des grands édifices de terre. C’est néanmoins le seul objet pour lequel on a conservé & laissé croître des bois en "massifs de futaie.

Ce qui a trompé dans le temps, & qui entretient encore un grand nombre de personnes dans le préjugé, c’est la hauteur des arbres qui éffeóti-, •Veinent en impose , quand on ne fait que parcourir les bois fans les examiner. Mais si ces arbres sont en général très-élevés , ils font toujours

tortueux

& pleins

de sinuosités du

piedà la têtes eonséquemmeut. ils n’ont jamais de droits, pas mêmefur un sens : d’où il arrive quéces arbres, qui ont quelquefois de 70 à 80 pieds de hauteur, ne donnent cependant aucune pièce de longueur, puisqu’il faut pour les employer, les

couper où ils perdent leurs droits, & qu’ils les perdent coup fur coup.

A l’égard de la grosseur i indépendamment de

cequ’elle n’est jamais proportionnée à la hauteur.

dans des arbres crûs en massifs de futaie , elle est encore bien réduite lorsqu’il est question. d’employer les bois, parce qUe , chacune desparties de ces -arbres , tenant elle-même du tortueux

de Varbre

entier, à Téquarrissage, une pièce qui paroîtroit devoir être de 20 pouces,, n’est réellement que de 16, encore y reste-t -il du flache ; d’ailleurs la Çiece , contre - taillée dans tous les sens, & fans égard à la directipn des fibres , ne reçoit qu’une configuration forcée, & est ainsi affoiblie parla façon qu’on lui donne.

Enfin les arbres venus en massifs de futaie, sont absolument sans qualité’ ; ils font toujours tendres : par ce seul défaut, quand même ils ^auroient de la grosseur, & donneroient desvpièces de longueur , ils scroient encore à rebuter pour lés constructions.

Tels font les arbres crûs en massifs de futaie : d où il fuit que ces futaies ne oeuvent donner use feule pièce de bois de première espèce pour les constructions de mer, ni pourcelles de terre, & que même le peu qui s’y trouve d’espèces inférieures , faute de qualité,-

ne doit point être employé sur-tout pour les bâtimens de mer. À l’égard de ces arbres on avance, que s’ils-étoient attendus en massifs de futaie, ils ne fourniroient pas de quoi construire un seul vaisseau.

En effet, fi Ton vérifie , on reconnoîtra que les bois de marine , ainsi que les principales pièces ,qu on emploie ; dans les bâtimens de terre , proviennent, non des arbres qui composent les massifs de futaie, mais de ceux réservés dans des bois exploités à certains âges, c’est-à-dire, fur lesquels ont n’avóit nullement compté pour les grandes constructions.

Ce fait, qu’il est aisé de constater, devroit bien désabuser les personnes qui ont adopté, sans examen, le préjugé de l’avantage & de la nécessité des futaies en massifs. Si ces personnes ne veulent pas se donner la peine de visiter les forêts pour s’instruire, elles pourroient du moins s’informer d’où l’on tire les beaux bois de charpente qui sont sur les chantiers pour les grands édifices de terre, & ceux qu’on emploie pour la construction des vaisseaux [1] ; en un mot, comment sont emménagées les forêts d’où viennent les bois, pour lesquels ces personnes demandent que l’on conserve des futaies, soit en grands massifs, soit en bouquets ; soit en bordures ou lisières [2].

Le dernier sort de ces futaies est de ne point repousser ; & si le terrein reproduit, ce n’est que des bois d’espèces inférieures [3].


  1. C’est principalement la Champagne qui fournit Paris de bois de charpente, ainsi que plusieurs de nos ports en bois de construction ; & l’on peut aller jusqu’à dire que de toutes les forêts qui donnent ces bois, il n’en est pas une qui ne soit exploitée en taillis, avec réserve de baliveaux, qu’on appelle dans le pays futaies sur taillis : ce sont ces futaies, qu’on y attend, & non des futaies en massifs.
  2. Les bouquets de futaie, les lisières, les bordures (n’importe la forme & le nom) sont de moindres massifs, mais sont toujours des massifs ; ils en ont tous les inconvéniens, parce qu’ils ne participent point aux avantages des arbres isolés. Si l’on y rencontre quelquefois, ainsi que dans les grands massifs de futaie, des arbres de valeur, ils proviennent de réserves anciennes : au lieu de faire exception, ils prouvent d’autant ce qu’on avance. Par massifs de futaie, on entend les arbres du même âge composans ces massifs.
  3. Le terrein ne produit que des bois d’espèces inférieures, parce que les souches ne repoussant pas, il n’y a point de recrû, ou il n’y en a pas assez pour étouffer les graines des bois blancs, qui y sont portées continuellement par les vents, lorsqu’il repousse quelques cepées de l’essence du bois abattu, elles ne proviennent que du peu de plant venu de graine, qui s’est trouvé coupé lors de l’exploitation.