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perdus faute de consommateurs. L’industrie au contraire, qui n’habite que les lieux où les hommes ont des desirs après les besoins satisfaits & des espérances fondées ; l’industrie, dis-je, s’éveille, tire parti de tout & donne valeur à tout. C’est ce qu’on voit en tous lieux, & les détails nous méneroient trop loin.

Au lieu de cela, tout se perd dans les pays sans débouchés, sans émulation & sans vraie culture. Le peu de bon grain qui s’y seme ne peut être un objet pour les spéculations du commerce ; il demeure envié par le peuple, réglementé par les juridictions avides ou aveugles, & cependant à charge aux propriétaires ; il fermente dans les greniers, devient la proie des rats, est prodigué à la volaille & aux bestiaux, & n’est richesse pour personne. Mal mouturé, la moitié se perd ou se vole au moulin, & ce qui se consomme, pétri grossièrement dans les maisons des particuliers, ne fait pas la moitié du profit qu’il devroit donner. Autant de ménages, autant de fours, ce qui entraîne fausse consommation de bois, mauvaise façon de la denrée ; au lieu que les boulangers entendus ne perdent rien, profitent & font profiter. Le temps, l’habitude, l’expérience, les levains, l’eau, le sel, la pâte, produisent sur une consommation universelle une différence impossible à calculer. Rien ne doit autant réjouir l’œil d’un homme d’état, que de voir l’étalage du beau pain blanc dans les villages & les hameaux d’une contrée. Cela s’est vu & se voit encore dans certains cantons de l’Allemagne : il ne nous reste qu’à faire des vœux pour le voir établir ailleurs. O utinam !

(Cet article est de M. Grivel.)

BOULONNOIS (prov. de France). Voyez le même Dictionnaire.

BOURBON (isle). Voyez sa position dans le Dictionnaire de Géographie.

Les François s’y établirent en 1657 & 1672 ; ils y élevèrent d’abord des troupeaux de bœufs & de moutons, qui y furent transportés de l’isle de Madagascar, & qui y réussirent d’autant mieux, qu’on a eu l’attention d’y transporter aussi le gramen nommé satak, qui donne un excellent pâturage.

La plus grande partie des terres de cette isle est employée à la culture du cafier. Les premiers plants de cet arbrisseau sont venus de Moka.

Chacun de ces arbrisseaux rapporte, annuellement, l’un dans l’autre, une livre de café à l’isle de Bourbon. Ce fruit mûrit, & se recueille dans un temps sec, ce qui lui donne un grand avantage sur le café des isles de l’Amérique, qui ne mûrit & ne se receuille que dans la saison des pluies.

Bourbon a soixante mille de long sur quarante-cinq de large ; mais la nature a rendu inutile la plus grande partie de ce vaste espace. Trois pics inaccessibles, qui ont seize cens toises d’élévation ; un affreux volcan, dont les environs sont toujours brûlés ; d’innombrables ravins, d’une pente si rapide, qu’il n’est pas possible de les défricher ; des montagnes, dont le sommet est constamment aride ; des côtes généralement couvertes de cailloux, opposent des obstacles insurmontables à une culture un peu étendue. La plûpart des terres qui peuvent être mises en valeur sont même en pente ; & il n’est pas rare que les torrens y détruisent les espérances les mieux fondées.

Cependant un beau ciel, un air pur, un climat délicieux, des eaux salubres ont rassemblé dans l’isle une population de six mille trois cens quarante blancs, bien-faits, robustes, courageux, répartis dans neuf paroisses, dont saint Denis est la principale. C’étoient, il n’y a que peu d’années, des hommes d’une candeur, d’une équité, d’une modération dignes des premiers âges. La guerre de 1756 altéra un peu leur caractère, mais sans beaucoup changer leurs mœurs.

Ces vertus sont d’autant plus remarquables, qu’elles sont nées, qu’elles se sont maintenues au milieu de vingt-six mille cent soixante-quinze esclaves, selon le dénombrement de 1776.

À la même époque, la colonie comptoit cinquante-sept mille huit cens cinquante-huit animaux, dont aucun n’étoit dévoué à l’agriculture. À l’exception de deux mille huit cens quatre-vingt-onze chevaux qui servoient à différens usages, tout étoit destiné à la subsistance.

Dans cette année, les récoltes s’élevèrent à cinq millions quatre cens quarante-un mille vingt-cinq quintaux de bled ; à trois millions cent quatre-vingt-onze mille quatre cens quarante tonneaux de riz ; à vingt-deux millions quatre cens soixante-un mille huit cens tonneaux de maïs ; à deux millions cinq cens quinze mille cent quatre-vingt-dix tonneaux de légumes. La plus grande partie de ces produits fut consommée à Bourbon même. Le reste alla alimenter l’Isle-de-France.

La colonie exploitoit pour la métropole, huit millions quatre cens quatre-vingt-treize mille cinq cens quatre-vingt-trois cafiers, dont le fruit est un des meilleurs après celui de l’Arabie. Chacun de ces arbres donnoit originairement près de deux livres de café. Ses produits sont diminués des trois quarts, depuis qu’il est cultivé dans un pays découvert ; depuis qu’on est réduit à le placer dans un terrein usé, & que les insectes l’ont attaqué.

Il paroit que la cour de Versailles ne s’occupera jamais des progrès d’un établissement, où des rivages escarpés, & une mer violemment agitée, rendent la navigation toujours dangereuse & souvent impraticable. Peut-être seroit-il plus sage de l’aban-