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de cet empereur, que l’on surprit Aaron lisant un livre de Salomon, dont la lecture faisoit paraître des légions de démons. Or, en supposant dans la magie une puissance qui arme l’enfer, & en partant de là, on regarde celui que l’on appelle un magicien, comme l’homme du monde le plus propre à troubler & à renverser la société, & l’on est porté à le punir sans mesure.

L’indignation croît, lorsque l’on met dans la magie le pouvoir de détruite la religion. L’histoire de Constantinople nous apprend que, sur une révélation qu’avoit eue un évêque, qu’un miracle avoit cessé à cause de la magie d’un particulier, lui & son fils furent condamnés à mort. De combien de choses prodigieuses ce crime ne dépendoit-il pas ? Qu’il ne soit pas rare qu’il y ait des révélations ; que l’évêque en ait eu une ; qu’elle fût véritable ; qu’il y eût eu un miracle ; que ce miracle eût cessé ; qu’il y eût eu de la magie ; que la magie pût renverser la religion ; que ce particulier fût magicien ; qu’il eût fait enfin cet acte de magie.

L’empereur Théodore Lascaris attribuoit sa maladie à la magie ; ceux qui en étoient accusés, n’avoient d’autre ressource que de manier un fer chaud sans se brûler. Il auroit été bon, chez les grecs, d’être magicien pour se justifier de la magie. Tel étoit l’excès de leur doctrine, qu’au crime du monde le plus incertain, ils joignoient les preuves les plus incertaines.

Sous le règne de Philippe le long, les juifs furent chassés de France, accusés d’avoir empoisonné les fontaines par le moyen des lépreux. Cette absurde accusation doit bien faire douter de toutes celles qui sont fondées sur la haine publique.

Un troisième crime, dans la poursuite duquel il importe encore d’être très-circonspect, c’est le crime contre nature.

À Dieu ne plaise que je veuille diminuer l’horreur que l’on a pour un crime que la religion, la morale & la politique, condamnent tour-à-tour ! Il faudroit le proscrire, quand il ne feroit que donner à un sexe les foiblesses de l’autre, & préparer à une vieillesse infame, par une jeunesse honteuse ; ce que j’en dirai lui laissera toutes ses flétrissures ; & ne portera que contre la tyrannie qui peut abuser de l’horreur même que l’on en doit avoir. Comme la nature de ce crime est d’être caché, il est souvent arrivé que des législateurs l’ont puni sur la déposition d’un enfant : c’étoit ouvrir une porte bien large à la calomnie. « Justinien, dit Procope, publia une loi contre ce crime ; il fit rechercher ceux qui en étoient coupables, non-seulement depuis la loi, mais avant. La déposition d’un témoin, quelquefois d’un enfant, d’un esclave suffisoit, sur-tout contre les riches, & contre ceux qui étoient de la faction des verds ».

Il est singulier que, parmi nous, trois crimes, la magie, l’hérésie & le crime contre nature, dont on pourroit prouver du premier qu’il n’existe pas ; du second, qu’il est susceptible d’une infinité de distinctions, interprétations, limitations ; du troisième, qu’il est très-souvent obscur, aient été tous trois punis de la peine du feu.

Je dirai bien que le crime contre nature ne fera jamais dans une société de grands progrès, si le peuple ne s’y trouve porté d’ailleurs par quelques coutumes, comme chez les grecs, où les jeunes gens faisoient tous leurs exercices nuds ; comme chez nous où l’éducation domestique est hors d’usage ; comme chez les asiatiques où les particuliers ont un grand nombre de femmes qu’ils méprisent, tandis que les autres n’en peuvent avoir. Que l’on ne prépare point ce crime ; qu’on le proscrive par une police exacte, comme toutes les violations des mœurs, & l’on verra soudain la nature, ou défendre ses droits, ou les reprendre. Douce, aimable, charmante, elle a répandu les plaisirs d’une main libérale ; &, en nous comblant de délices, elle nous prépare, par des enfans qui nous font pour ainsi dire renaître, à des satisfactions plus grandes que ces délices même. De l’Esprit des lois, liv. XII, chap. 5 & 6.

ACENSEMENT, s. m. action de donner à cens, à rente ; acte par lequel le propriétaire d’un fonds d’un territoire le cède à perpétuité à un ou plusieurs particuliers, sous la redevance annuelle de certaines rétributions en grains, en argent, en services, &c. imposée aux censitaires qui, en acceptant ces conditions, reconnoissent le bailleur de fonds pour seigneur direct ou foncier de la terre acensée.

L’acensement provient de plusieurs causes, dont la première & la principale fut toujours une grande inégalité des fortunes. Tout d’un côté & rien de l’autre, étoit un partage également désavantageux aux deux partis, aux grands propriétaires terriens, & à ceux qui n’avoient aucune propriété foncière. Les premiers ne vouloient & ne savoient pas cultiver la terre ; ils n’auroient pu, d’ailleurs mettre en rapport un terrein d’une grande étendue, ni le forcer à produire ; ils demeuraient pauvres au milieu de leurs vastes possessions qui restoient en friche ; les seconds, sans emploi de leurs facultés & de leurs biens mobiliers, ne menoient qu’une vie précaire &, sentoient vivement l’aiguillon de la nécessité ; les besoins réciproques les rapprochèrent. Les uns cédèrent des fonds, pour avoir sur ces fonds une portion de revenus fixes ; les autres s’engagèrent à leur fournir cette quotité de fruits réservés, flattés de devenir propriétaires à ces conditions.

On voit par là que la coutume de l’acensement doit dater de bien loin. Si l’on consulte les annales des peuples de l’Europe, on trouve très-haut dans leur histoire des traces de cet usage ; mais on ne peut assigner l’époque de son origine. Il est