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XXIX.

Qu’on n’espère de ressources pour les besoins extraordinaires d’un état que de la prospérité de la nation, & non du crédit des financiers ; car les fortunes pécuniaires sont des richesses clandestines qui ne connoissent ni roi ni patrie.

XXX.

Que l’état évite des emprunts qui forment des rentes financières, qui le chargent de dettes dévorantes, & qui occasionnent un commerce ou trafic de finances, par l’entremise des papiers commerçables, où l’escompte augmente de plus en plus les fortunes pécuniaires stériles. Ces fortunes séparent la finance de l’agriculture, & privent les campagnes des richesses nécessaires pour l’amélioration des biens-fonds, & pour l’exploitation de la culture des terres (G).

AGRICULTURE, s. f. L’agriculture est, comme le mot le fait assez entendre, l’art de cultiver la terre.

L’Encyclopédie méthodique à un dictionnaire particulier d’agriculture, & afin d’éviter les répétitions, nous nous bornerons à parler ici, 1o. de l’importance de l’agriculture, & des attentions & des encouragemens qu’elle mérite. 2o. De l’estime des peuples anciens pour l’agriculture, des loix qu’on a porté en sa faveur. 3o. Des progrès de l’agriculture dans ces derniers temps, & des sociétés d’agriculture qu’on a établies. 4o. Des autres moyens qu’il faudroit employer. 5o. Des obstacles qui s’opposent à la perfection de l’agriculture. 6o. Enfin nous envisagerons l’agriculture dans son rapport avec le commerce.

Section première.
De l’agriculture. Attentions & encouragemens qu’elle mérite.

L’agriculture est le premier, le plus utile & même le plus essentiel des arts.

Tout dépend & résulte de la culture des terres ; elle fait la force intérieure des états ; elle y attire les richesses du dehors. Toute puissance qui vient d’ailleurs que de la terre, est artificielle & précaire. L’industrie & le commerce, qui ne s’exercent pas en premier lieu sur l’agriculture d’un pays, sont au pouvoir des nations étrangères, qui peuvent ou les disputer par émulation, ou les ôter par envie ; soit en établissant la même industrie chez elles, soit en supprimant l’exportation de leurs matières en nature. Mais un état bien défriché, bien cultivé, produit les hommes par les fruits de la terre, & les richesses par les hommes.

Le gouvernement doit donc sa protection aux campagnes plutôt qu’aux villes. Les unes sont des mères & des nourrices toujours fécondes ; les autres ne sont que des filles souvent ingrates & stériles. Les villes ne peuvent guères subsister que du superflu de la population & de la réproduction des campagnes. Les places même & les ports de commerce, qui par leurs vaisseaux semblent tenir au monde entier, qui répandent plus de richesses qu’elles n’en possédent, n’attirent cependant tous les trésors qu’elles versent, qu’avec les productions des campagnes qui les environnent. C’est donc à la racine qu’il faut arroser l’arbre. Les villes ne seront florissantes que par la fécondité des champs.

Mais cette fertilité dépend moins encore du sol que de ses habitans. L’Espagne & l’Italie même, quoique situées sous le climat le plus favorable à l’agriculture, produisent moins que la France & l’Angleterre, parce que le gouvernement y étouffe la nature de mille manières. Partout où la nation est attachée à sa patrie par la propriété, par la sûreté de ses fonds & de ses revenus, par-tout où les privilèges ne seront pas pour les villes, & les corvées pour les campagnes, on verra chaque propriétaire, amoureux de l’héritage de ses pères, l’accroître & l’embellir par une culture assidue, y multiplier ses enfans à proportion de ses biens, & ses biens à proportion de ses enfans.

L’intérêt du gouvernement est donc de favoriser ses cultivateurs, avant toutes les classes oiseuses de la société. La noblesse n’est qu’une distinction odieuse, quand elle n’est pas fondée sur des services réels & vraiment utiles à l’état, comme celui de défendre la nation contre les invasions de la conquête, & contre les entreprises du despotisme. Elle n’est que d’un secours précaire & souvent ruineux, quand, après avoir mené une vie molle & licencieuse dans les villes, elle va prêter une foible défense à la patrie sur les flottes & dans les armées, & revient à la cour mendier des places & des honneurs qui souvent accablent les peuples. Le clergé est une profession stérile pour la terre, quelquefois à charge à l’état, si l’on en excepte cette classe de pasteurs, la plus saine & la plus respectable, mais en même temps la plus avilie & la plus surchargée, qui, placée parmi les peuples des campagnes, instruit, édifie, conseille, console & soulage une multitude de malheureux.

Les cultivateurs méritent la préférence du gouvernement, même sur les manufactures & les arts, soit mécaniques, soit libéraux. Honorer & protéger les arts de luxe sans songer aux campagnes, source de l’industrie qui les a créées & les soutient, c’est oublier l’ordre des rapports de la nature & de la société. Favoriser les arts aux dépens de l’agriculture, c’est ôter les pierres de fondemens d’une pyramide, pour en élever le sommet. Les arts mécaniques attirent assez de bras par les richesses qu’ils procurent aux entrepre-