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AVANT-PROPOS.


jours prête à les reprendre avec plus de force, bientôt elle découvre de nouveaux moyens d’agir sur cette opinion publique qu’elle seule dominoit auparavant, & quelle voie emporter par tant de passions orageuses.

La Philosophie a osé se tracer le plan d’une régénération prompte & universelle, entreprise sublime & hardie qu’on n’avoit encore tenté chez aucun peuple avancé dans sa civilisation. Si quelque chose paroît offrir l’idée d’une fatalité invincible ; c’est l’image d’un peuple qui, déjà corrompu, se précipite chaque jour vers le dernier terme de la dépravation politique & morale, opposer une digue à ce torrent qui a paru emporter tous les siècles ; c’est une entreprise que la raison seule pouvoit tenter en suivant une route nouvelle, elle n’abandonnera point cet espoir que de grands succès ont déjà courronné, que de grands obstacles troublent encore.

S’il est un sentiment qui demande à la fois la force de l’esprit & celle du caractère, c’est d’espérer le bonheur & l’amélioration des hommes. Les premières tyrannies ont pu être fondées sur la crainte & la superstition, mais elles ne se font maintenues que parce que les hommes ont désespéré d’eux-mêmes.

Les hommes se lèguent un héritage qui s’agrandit toujours avec le temps, c’est l’expérience de leurs fautes & de leurs malheurs. Dans le cours de tant de siècles, l’histoire offre à peine quelques peuples qui aient su connoître à la fois le véritable but de la société & qui s’en soient rapproché par leurs institutions & par leurs mœurs, ils ont donné au monde de grands exemples de courage & de patriotisme, mais leurs fautes & leurs crimes ont bientôt été aussi éclatants que leurs vertus avoient été célèbres, l’histoire n’est consacrée qu’à ces peuples. A peine elle a daigné s’occuper de toutes ces notions qui ont subsisté sans connoître la dignité humaine, il semble d’abord que nous soyons condamnés à puiser nos leçons, à lire notre destinée chez ces peuples anciens dont les noms, dont les actions remplissoient notre imagination, bien avant que nous puissions concevoir l’espérance de les imiter, mais la raison nous permet bientôt d’élever nos espérances beaucoup au delà. Ces peuples ont eu pour législateurs des hommes de génie, nos législateurs à nous, sont la raison & l’expérience occupées depuis un demi siècle à préparer ce grand ouvrage. Ces peuples avoient l’avantagé précieux de posséder une grande simplicité de mœurs, de connoissances & de besoins, mais nous avons celui de jouir à la fois de tout ce que la société a créé de grand & d’utile. Cette simplicité devoit chaque jour s’altérer, notre raison au contraire doit chaque jour s’épurer ; ces peuples tiroient un grand ressort de leurs préjugés politiques & religieux dirigés par le génie de leurs législateurs, mais cette direction ne pouvoit être constante ; il est de la nature des préjugés de tendre sans cesse vers les effets nuisibles & destructeurs, d’ailleurs ces législateurs sembloient avoir pris soin d’entretenir les plus cruels de tous, c’est-à-dire, la