Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T4.djvu/832

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
819
DISCOURS SUR L’OBJET DE LA MORALE.


ecrît ses pensées ait pu se dire, «  jai fait un livre utile aux hommes, » jedoute que jamais horaime se soit félicité de savoir lu. Une saty/re plait, celle qu’il a faite ds la nature humaine est ingénieuse , il a du être lu ; maiis celui qui a pu l’aimer , n’aimoic pas les hommes ; il avoit dit-on des vettus. Une fennme à jamais célèbre par la féconde & délicieuse sensibilité de son ame, a loué la sienne. Que penset donc ! Qu’il a voulu faire un jeu d’esprit ; mais ce jeu a dû empoisornner sa vie. Qu’il a écrie par humeur j maiis quel érrange besoin de faire partager fora humeur à cane d’hommes ! Qu’il a éré sédiuit par un désir de singularité. Qu’est-ce dome qu’un tel penchanc, s’il a pu conduire un honnête homme à nier ia vertu f Deux défauts parciculiecs me paroissent êtrse le principe de ses erreurs. Quelques observations chagrines l’avoienc frappé dans lecoursdefavie,ila.voulu enfaire un syfltême, il semble n’avoir réfléchi que pour treouver justes ses premières réflexions , il prend biencôc pout le cercle écroit de la vie huimaine , le cercle où le ramènent ses premières idées. En second lieu tout ce qui doinne de l’éclat à son stile ôte^de la justesse à Isa pensée ; il exptime par un choc brillamt de mots un contraste qui n’est point dams les choses. On loue fa précision mais qmel avantage a-1 -elle, s’il emploie toujours dams le sens le plus vague les termes les plus abstraits ?On loue son énergie ; il est vrai qu’il n’affoiblir pas ses pensées par des doutes, par des réserves ; mais c’est par là qu’il se fût approchié de la vérité. Au reste le système de la Rochiefoucaud n’est pas neuf, la société n’a pas mianqué de philosophes jaloux d’enlevet aux hcommes de prétendues erreurs qu’eux mêmes regrettoient, mais plusieurs ont voulu au mioins lui substituer les règles de la prudence. La Rochefoucaud abandonne l’homme á tontes les foiblesses de fa natute , satisfait de «s lui avoir montrées. LA BRUYÈRE. Qui a peint plus de travers, plus de vices, plus de ridicules que la Bruyère ? Qui a mieu* peint à la fois & ses contemporains & l’homme de cous les lieux ? Tous ses tableaux íont aussi vrais que ceux de Molière & sont pltis variés. On a cru y reconnoître une quancieé d’hommes de son cemps ; beaucoup d’hommes pourroient encore aujourd’hui s’y croire désignés & dévoilés ; il a poursuivi le vice dans coures ses recraites, il lui a arrachi tous les masques qu’il peut revêtit. Peut-être un défaut dépare son ouvrage l quand il peint la vertu , il a Tait de la peindre d’imagination : quand il peint le vice, on voit qu’il le peint fur des modèles. Ainsi dans son ouvrage un calme heureux, une douce Sc consolante perspective succèdent rarement au tableau agité Si affligeant qu’il est obligé de décrire. La variété, l’originalicé, le piquant de ses formes ne peuvent satisfaire au besoin qu’a Tame de se reposer sur des objets qui i’actachent Sc qui l’accendrissent. Ce feroit cependant une bizarre injustice de précendre que la Bruyère ne paroît poinc animé de l’amour de la vertu, & qu’il ne fait point Tînfpirer en traçant tous ces caractères différens , il n’a point laissé de doutes fur le sien , c’est celui d’un hounêce homme quia pour le vice Ia haine vigoureuse qu’Alceste éxige pour les gens de bien. La Bruyère a été beaucoup accusé de malignité, si ce reproche étoit fondé , il ne faudroit point lui donner une place parmi les moralistes utiles. La malignicé n’est jamais que le moyen le plus lâche Si le plus facile de divertir & de flacter quelques peesonnes aux dépens de beaucoup d’ancres. Elle est un sûr indice de l’envie. La sagesse ne connoît point un instinct aussi vil •, la Bruycre a vecit dans le siécle de l’idolatrie , dans le siècle oiì les hommes ont eu plus l’art de s’éblouir les uns les autres , où tout paroistoit une scène enchantée. La Bruyère n’étoit point saisicomme sescontemporains de ce dangereux, enthousiasme, quoiqu’il en partageât quelques foiblesses. II avoit le bon sens de voir les hommes cels qu’ils L1111z