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NOTICE RAISONNÉE.


l’histoire de nos revers ; & l’Amérique devra aux uns comme aux autres, une grande partie de fes colons, S’il étoit possible que l’espoir, qui ranime & foutient la nation dans ce moment, ne fût pas justifié, s’l étoit possible que des circonstances facheuses fissent évanouir les projets falutaires dont on fe nourrit ! ..... Je n’ose prévoir, mais il me femble entendre les foupirs étouffes de milliers d’hommes abandonnant leur pays pour une patrie nouvelle & bienfaifante, qui leur fourit au dela des mers ; il me femble voir les larmes d’artendrissemens que l’exquife fenfibilisé, lès touchants tableaux de Crevecœur, ont fait répandre à tous fes le&leurs, fe changer en pleurs d’indignation, verfès, comme dernier adieu, fur nos côtes infortunées (1).

Nous n’avons pas un moment à perdre pour ranimer notre commerte, relever notre industrie, sera fé nos manufañlures, faire refleurir nos arts, & conferver notre population. Îl n’y a plus que l’aifance & la prospérité des culiivateurs & des ouvriers qui puissent empécher leur déferrion : toute La puissance coërcitive d’un gouvernement n’arréterait pas des fujets qui croient être mieux ailleurs que fous fon joug ; & pour fa propre tranguillité, fans doute, il est encore préférable que les mécontents s’en aillent. ê st au fentiment du patriotifme à nous conferver les bons esprits ; & dans chaque individu ce fentiment est lié à celui des avantages que son pays lui assure, à l’égalité de partage de la masse commune du bien.

Afin de retenir parmi nous les honnêtes gens qui vont chercher en Amérique la pux & la confidération dues à la vertu, il faudroit au moins leur en offrir l’image. Dans ce moment de fermentation & de crie, nos compagnies littéraires devroient réunir leurs effonis pour fixer l’attention des hommes généreux & fenfibles Jur des objets touchants, qui les rappellent & les atachent à leur pays, en leur y failant voir le germe des biens qu’ils vont admirer ailleurs. On propose, pour fujets de prix, l’éloge des puissants de La terre, ou des fameux guerriers, ou des favans célèbres ; jamais encore la vertu 7 & Jubiime, dépouillée de l’éclat des grandeurs, de l’attirail des camps & du faste de la féience, n’a paru digne d’un triomphe académique.

La vie d’un Bénézet, la générosité d’un Mifflin, La fimplicité d’un Bertrand, n’ont pu trouver, parmi nous, un orateur ni un poête. Bénézet & Bertrand, font pourtant d’origine françoise ; il est vrai qu’ils ont bien perdu l’air de famille, & que nos sages ne ressemblent guere plus à Bénézet, que nos favanis à Jean Bertrand. Puissent-ils avoir chez nous des imitateurs, ces modeles de justice & de bienfaifance, dont le nom est si cher à l’humanite ! Ils en auront,


(1) L’un des gages, fans doute, du bien que fe propose & que fera Le gouvernement, est l’impression mème & 12 libre circulation en Frauce de cer ouvrage (les Lettres d’un cultivateur Américain ) qui lui féroit tant de tort, Ji Le bieæ ne s’opéroit pas,

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