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PRÉLIMINAIRE

le véritable inventeur. Ce raisonnement demande une explication.

Il n’a peut-être pas existé d’homme plus doué que Neuton, de cette intelligence & de cette vigueur de tête, capables de soutenir une longue méditation, de concevoir & d’exécuter un vaste plan. La preuve en est dans son Livre des principes, l’un des plus beaux monumens de l’esprit humain, par la variété l’enchaînement & l’importance des matières qui y sont traitées. Léibnitz n’a point donné de Livre semblable. Trop emporté par la vivacité de son génie, & par la multitude de ses occupations, de ses voyages & de ses correspondances avec la plupart des Savans de son tems, il ne pouvoit s’astreindre à creuser long-tems un même sujet, ni à poursuivre en détail toutes les conséquences d’un grand principe. Mais le recueil de ses ouvrages, & son commerce épistolaire avec Jean Bernoulli, portent le plus haut caractère de l’invention. Il seme par-tout des idées neuves & des germes de Théories, dont le développement produiroit quelquefois des traités entiers. S’il n’a pas égalé Neuton du côté de la profondeur, il paroît le surpasser par cette pénétration rapide & cette pointe d’esprit, qui vont saisir dans une matière, les questions les plus subtiles & les plus piquantes. L’un a laissé une plus grande masse des vérités Géométriques ; l’autre a plus accéléré, en son tems, les progrès de la Science, par la notation simple & commode de son calcul, les applications nombreuses qu’il en fit lui-même, ou qu’il mit les Savans à portée d’en faire, les encouragements qu’il leur donnoit, & les routes nouvelles qu’il ouvroit continuellement leurs méditations.

La dispute dont je viens de rendre compte ne fut pas bornée au seul genre polémique : elle alluma heureusement entre les Anglois & les Partisans de Léibnitz, une guerre de problêmes, dont la Géométrie retira plusieurs avantages considérables. On en étoit venu à s’accuser de part & d’autre de ne pas bien entendre la nouvelle analyse. Léibnitz, pour tâter le pouls aux Anglois, comme il disoit, leur fit proposer, peu de tems avant sa mort, le fameux problême An. 1715. des trajectoires orthogonales, ou la recherche des courbes qui coupent sous un angle donné une suite de courbes de la même espèce, comme toutes les hyperboles d’un même sommet & d’un même centre. Cet exemple des hyperboles étoit indiqué pour fixer clairement l’état de la question ; car il n’étoit pas d’ailleurs bien difficile à résoudre ; & le jeune Nicolas Bernoulli, fils de Jean, en donna une solution fort élégante. Mais Léibnitz exigeoit une méthode générale, d’où l’on pût tirer, dans chaque cas particulier, la construction de la trajectoire, du moins en supposant la quadrature des courbes. Neuton ayant vu cet énoncé, indiqua tout de suite une