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CARDAN (Philosophie de). (Hist. de la philosop. mod.)

Nota. Par une transposition dans les cahiers du manuscrit, transposition dont on s’est apperçu trop tard, on se trouve obligé de renvoyer cet article de Cardan immédiatement après celui de la philosophie des Celtes, qu’il auroit dû précéder dans l’ordre alphabétique auquel nous nous sommes astreints dans ce dictionnaire pour la plus grande commodité des lecteurs.


CARTÉSIANISME. Voyez Descartes. (Philosoph. de). histoire de la philosophie mod.


CELTES (théologie & philosophie des) hist. de la philosophie ancienne ; ou, pour parler plus exactement, histoire des anciennes superstitions.

La religion des Celtes est, sans contredit, un des morceaux les plus interessans de l’ancienne histoire de ces peuples. Comme c’est une chose digne de notre curiosité de chercher ce que nos ancêtres ont pensé sur une matière si importante, on ne peut aussi que ressentir une véritable satisfaction, en voyant qu’ils ont eu des idées plus justes, & plus saines de la Divinité, que les autres payens, sans en excepter même les grecs qui se regardoient comme les plus éclairés & les plus sages de tous les hommes. Il est vrai qu’au milieu de la satisfaction que l’on doit trouver naturellement dans cette étude ; on a quelquefois le désagrément de remarquer que des peuples qui s’étoient fait une idée si noble de la Divinité, ne laissoient pas de donner dans une infinité de superstitions, qu’ils ont même transmises à leur postérité, bien que sous d’autres noms.

Je n’ignore pas que le sujet que je dois traiter dans cet article a de grandes difficultés & qu’il paroit presque impossible de satisfaire la curiosité d’un lecteur qui souhaite de connoître à fond la religion des Celtes. Je me propose de représenter cette religion telle qu’elle étoit avant qu’on connût, dans la Celtique les divinités, & les cérémonies des grecs & des romains. Outre l’éloignement, qui a fait périr un grand nombre d’auteurs qui auroient pû nous faire connoître des tems si reculés, on est encore arrêté par une autre difficulté. Les druides,[1] comme les prêtres des Égyptiens, étoient dans l’opinion que leur doctrine devoit être tenue fort secrete. Regardant comme un sacrilége de l’écrire, ils ne la confioient à leurs disciples qu’après les avoir éprouvés pendant une longue suite d’années, & après en avoir tiré la promesse solemnelle qu’ils ne la rendroient jamais publique & qu’ils éviteroient sur-tout de la communiquer à des étrangers.

Cette difficulté seroit insurmontable, si les druides avoient fait un mystère de toute leur doctrine ; mais il est constant que la loi du secret ne regardoit, à proprement parler, que ce que les anciens appelloient la physiologie, & la magie. La première de ces sciences enseignoit la manière d’interpréter les présages & de prédire l’avenir par les causes & par les évenemens naturels tels que le sont l’eau, le feu, le vent, le vol d’un oiseau, le hennissement d’un cheval. La seconde faisoit connoître les charmes & les maléfices dont il falloit se servir pour opérer toutes les choses extraordinaires qu’un peuple crédule & superstitieux attribue encore aujourd’hui aux sorciers.

Au reste les druïdes avoient aussi une doctrine publique. Il s’ouvroient à tout le monde sur les points les plus essentiels de leur religion, comme par exemple sur l’objet du culte religieux, sur la nature du culte qu’il falloit rendre à la Divinité & des[2] récompenses que les gens de bien devoient en attendre. On découvroit d’ailleurs les idées qu’ils avoient de la Divinité, dans leurs sacrifices, dans leurs cérémonies, & dans toutes les autres parties du culte extérieur qu’ils rendoient à leurs dieux.

Il n’est donc pas impossible de connoître, au-moins, les dogmes capitaux de la religion des Celtes, pourvû que l’on sache faire usage de ce que des auteurs bien instruits, en ont écrit en divers tems, & en divers lieux, dans des ouvrages qui ont échappé aux injures du tems.

J’aurois pu me dispenser du pénible travail de rassembler, & de digérer ce que les anciens ont écrit sur le sujet que je vais traiter, si les modernes, qui ont eu le même dessein, avoient exécuté ce que promettoit au public le titre de leurs ouvrages. Etienne Forcadel,[3] professeur en droit dans l’université de Toulouse, publia vers le milieu du seizième siècle, un assez gros volume sur l’empire & la philosophie de Gaulois. On ne peut pas disconvenir que cet auteur n’eût

  1. Neque fas esse existimant, ea litteris mandare… Id mihi duabus de causis instituisse videntur, quod neque in vulgus disciplinam efferri velint, neque eos, qui discunt, litteris confisos minus memoria studere. Cæsar 6, 14.

    Docent multa nobilissimos gentis, clam & diu vicenis annis, in specu, aut in abditis saltibus. Pomp. Mela. Lib. 3. Cap. 2. p. 73.

  2. Unum ex iis, quæ præcipiunt in vulgus effluit, videlicet ut forent ad bella meliores ; æternas esse animas, vitamque alteram ad Manes. Pomp. Mela, ubi sup.
  3. Stephani Forcatuli de Gallorum Imperio & philosophia libri 7. Je me suis servi de la seconde édition, imprimée à Geneve, en 1595. Moreri dit que la première parut en 1579. Mais il paroît par l’ouvrage même que l’auteur écrivoit en 1562.