Page:Encyclopédie méthodique - Philosophie - T1, p2, C-COU.djvu/15

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mata quatuor[1]. Si cet auteur n’a pas mieux réussi que Cluvier, il mérite au moins plus d’indulgence. Schedius étoit un jeune homme fort studieux, qui ayant lu un grand nombre d’anciens auteurs, tant grecs que latins, en avoit recueilli, avec beaucoup de soin, tout ce qui pouvoit avoir quelque rapport prochain ou éloigné à la religion des Celtes. Son ouvrage est par conséquent un bon répertoire où l’on trouvera une érudition peu commune. Mais il ne faut pas y chercher de la justesse & de la précision, parce que ce savant fut surpris par la mort à l’âge de 27 ans, avant qu’il eut eu le tems de faire usage du grand nombre de matériaux qu’il avoit recueillis, & parmi lesquels il y en a plusieurs qui sont hors d’œuvre. La chose étoit inévitable dan un ouvrage posthume, qui étant rempli de bonnes choses, mérite l’indulgence du public, par cela même que l’auteur n’a pas eu le tems de le revoir, & d’y mettre la dernière main.

Le père Lescalopier a aussi fait imprimer un traité de la religion des anciens Gaulois, à la fin de son commentaire sur les livres de Cicéron, De Natura Deorum. Ce traité n’est à proprement parler, qu’une courte dissertation, il n’y a pas de mal qu’elle ne soit plus longue, parce qu’on n’y trouve rien de nouveau, ni de curieux. Il semble même que l’auteur ne l’ait composé, que pour y placer la découverte que je vais rapporter, & qui suffira pour mettre le lecteur en état de juger de tout l’ouvrage.

Le père Lescalopier assure donc que l’on rendoit dans le territoire de Chartres des honneurs divins[2] à la vierge qui devoit enfanter, & que le simulacre de cette divinité, fut posé cent ans avant Jesus-Christ. Si cela est, il faudra avouer que les Gaulois ne le cédoient point aux Germains, par rapport à la connoissance des mystères de l’évangile. Nous avons vu que les Germains connoissoient déjà le mystère de la trinité du tems de Jules César, qui écrivoit environ cinquante ans avant la venue du Sauveur. Mais il y avoit près de cinquante ans que l’on savoit dans le pays Chartrain, non-seulement que le verbe devoit être incarné ; mais encore que la sainte-Vierge devoit être l’objet d’un culte religieux, qui ne s’introduisit cependant que plus de mille ans après.

Il ne sera pas nécessaire que je m’étende ici sur l’ouvrage d’un auteur anonyme, qui parut à Paris en 1727, sous ce titre magnifique, la religion des Gaulois tirée des plus pures sources de l’antiquité. Non-seulement cet auteur n’a pas connu la religion des Gaulois, mais son ouvrage même ne peut servir qu’à en donner de fausses idées, parce qu’il travestit perpétuellement les dieux des Grecs & des Romains, en autant de divinités Gauloises.

La religion des peuples Celtes est donc jusqu’à présent un sujet à peu-près inconnu. Si on se contente de lire ce que les modernes en ont écrit, on ne saura absolument à quoi s’en tenir. La différence, ou plutôt l’opposition continuelle que l’on trouvera entre leurs opinions, ne pourra même servir qu’à jetter le lecteur dans le pyrrhonisme historique. Mais si l’on veut se donner peine de consulter les anciens, dont je citerai les passages, on se convaincra bientôt que les modernes, au lieu de puiser, comme ils le devoient, & comme ils le prétendent, dans les plus pures sources de l’antiquité, se sont livrés, les uns à leur propre imagination, les autres à des préjugés qui leur ont fait trouver dans la religion des Celtes tout ce qu’ils ont voulu ; tantôt les cérémonies des Juifs & des Phéniciens ; tantôt la religion des Grecs, des Romains & des Égyptiens, & tantôt la philosophie de Pythagore, de Platon, ou des stoïciens. J’espère montrer dans cet article, que les peuples Celtes avoient une religion toute différente de l’idée qu’on s’en est faite sur la foi des auteurs susmentionnés ; & je vais la représenter, autant qu’il me sera possible, telle qu’elle étoit avant qu’on eut introduit dans la Celtique des cérémonies, & des superstitions inconnues aux anciens habitans de l’Europe.

1o. J’examinerai les principaux dogmes de la religion des Celtes, ce qu’ils pensoient de Dieu, de ses perfections, de l’origine du monde, des devoirs dee l’homme, & de son état après cette vie.

2o. Je représenterai ensuite l’extérieur de la religion de Celtes, & je parlerai à cette occasion des Druides, des tems & des lieux sacrés, des sacrifices, des cérémonies, & de tout ce qui peut avoir quelque rapport à ces matières.

3o. De là je passerai aux superstitieux les plus remarquables des Celtes, aux charmes & aux maléfices, qu’ils pratiquoient, & aux différentes manières de découvrir la vérité, ou de prédire l’avenir, par le duel, par le sort, par les auspices, par l’inspection des victimes, par la foudre, & par les épreuves du feu & de l’eau.

4o. Je donnerai, après cela, une histoire abrégée des plus célebres philosophes Scythes & Celtes tels qu’ont été Orphée, Zamolxis, Abaris,

  1. Je me suis servi de l’édition imprimée à Amsterdam en 1648.
  2. Carnutum Dea, virgo paritura. Cap. X. pag. 270.