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que le mercure des Romains.[1] Godefroi de Viterbe &[2] l’auteur de la vie de saint Columban, l’assurent, après Paul Diacre ; & il faut que les peuples Germains, en général, fussent dans la même opinion, puisqu’en recevant le calendrier romain, ils appellerent le mercredi, c’est-à-dire, le jour consacré à Mercure, Vonstag, ou comme prononçoient les peuples du Nord[3] Odenstag.

4o. Enfin Paul Diacre, & les auteurs qu’il suit, ont entrevu, que le Mercure des germains avoit été servi autrefois, même par les habitans de la Grece. C’est une remarque dont je ferai usage dans l’un des paragraphes suivans.

Il faut payer aux nations qui demeuroient des deux côtés du Danube, depuis la Bavière jusqu’à son embouchure. Elles adoroient aussi le dieu Teut ; Mais comme ces contrées étoient habitées par une infinité de nations différentes, qui s’étaient avancées successivement du Nord & de l’Occident, il ne faut pas être surpris que, selon la différence des dialectes, chaque peuple donnat au nom de Teut, quelque inflexion particulière. 1o. J’ai allégué un passage d’Hérodote, qui porte, que Mercure étoit celui de tous les dieux, pour lesquels les rois de Thrace avoient le plus de vénération. Ils ne juroient que par son nom, & prétendoient même en tirer leur origine. Ce Mercure dont les rois de Thrace se disoient issus, portoit chez eux, comme par-tout ailleurs, le nom de Tis, ou de Cotis, qui signifie, comme je l’ai déjà remarqué, le bon Tis. C’est la raison pour laquelle ces princes affectionnoient si fort le nom de Cotis,[4] ou de Cotison[5], qui marquoit, qu’ils étoient de la race de ce dieu.

2o. C’est de la même divinité, qu’il faut entendre ce passage de Strabon.[6] La fête que les Thraces célébrent à l’honneur de Cotys & de Bendis, ressemble aux fêtes de Bacchus. Cotys est le dieu dont il s’agit ici, l’esprit universel, l’ame du monde, ou, comme les anciens Philosophes l’appelloient, le principe actif. Bendis, dont je parlerai en son lieu, étoit la Terre, le principe passif, que le dieu Tis animoit, & dont il s’était servi pour la formation de l’homme. La fête de Cotys & de Bendis ressembloient aux Bacchanales des grecs par trois endroits.. Premièrement on la célébroit de nuit. En second lieu la[7] danse, qui faisoit partie du culte de Cotys, imitoit celle des Bacchantes. Enfin toutes les solemnités des Thraces, & des autres peuples Celtes, étoient des tems de réjouissance, & de bonne chere. On y commettoit sur-tout de grands excès par rapport à la boisson ; & ces excès étoient non-seulement permis, mais en quelque manière autorisés par la fête.

3o. J’ai eu occasion de montrer ailleurs que les prétendus géants, que les grecs accusoient d’avoir déclaré la guerre à Jupiter, & aux autres dieux, étoient les anciens habitans de la Thrace, qui prenoient le nom de Titans, parce qu’ils croyoient descendre du dieu Tis, dont ils defendirent le culte à main armée. Ainsi ce n’étoit pas un privilége particulier aux rois de Thrace, d’être de la race de Tis. Le peuple se glorifioit d’avoir la même extraction, aussi bien que les princes qui les commandoient.

Ce que je viens de dire des Thraces doit s’entendre aussi des autres peuples, qui demeuroient au midi du Danube, tels qu’étoient les dardaniens, les mésiens, les Triballes, les illyriens, les Getes, les pannoniens, &c. Paul Diacre assure que le dieu Teut, qu’il appelle Vodan, étoit adoré, par toutes les nations de la Germanie, jusques dans la Grece. Effectivement on trouve par-tout des traces du nom de Teut. Je pourrois en alléguer une infinité d’exemples, si je ne craignois de fatiguer le lecteur par tout ce détail. Les illyriens, par exemple, appelloient le pays qui est autour de Durazzo[8] Taulant, c’est-à-dire, Païs de Teut. Les pannoniens aussi avoient une forteresse qui portoit le nom de[9] Teutoburgium,

  1. Voyez la note (9).
  2. Illi aiunt se Deo suo Vodano nomine, velle litare. Vita s. Columbani, apud Duchesne. T. 2. p. 556. L’édition dont M. Mascau s’est servi porte {{lang||a|Deo suo Vodano, quem Mercurium vocant &c. Mascau T. 2 p. 263. ex Surio.
  3. Odens Tag, Mercredi. La Pereyre, relation de l’Islande, dans le recueil des voyages du Nord. Tom. 1. p. 41.
  4. Cotis Thracum Rex. Stobœus, Serm. 142. p. 488. Serm. 149. p. 519. Cotis Thrax, Odrysarum Rex. Livius, lib. 42. cap. 29. 51. Vales. in excerptis ex Polyb. 27. p. 127. ex Diodor. Sicul. 26. p. 307. cottus Rex. Cæsar. Bell. Civ. lib. 3. cap. 36. 95. Cotys Rex. Tacit. Ann. 2. 64. Dio. Cass. lib. 54. p. 534 & 545. Suid. in kotus.
  5. Daci, Cotisonis regis imperio, quoties concretus gelu Danubius junxerat, ripas decurrere solebant Florus 4. 12.

    Occidit Daci Cotisonis agmen. Horat. lib. Od. 3. Cotison signifie fils de Cotis.

  6. Bacchi sacrorum similia sunt etiam quæ apud Thraces usurpantur, sacra Cotyttia, & Bendidia. Strabo, lib. 1. p. 470. 471.
  7. C’est celle que Suidas appelle thiasôtès kôtuos. Voyez ci-dessous note (9).
  8. {{lang|la|Taulantii barbari ad Epidamnum. Illyrica gens. Thucyd. lib. 1. cap. 24. p. 14.
  9. Teutoburgium Pannoniæ inferioris. Ptolem. lib. 2. cap. 16. p. 63. Antonin. Itiner. p. 15.