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AIM

alors un cube d’un fort bon aimant, du poids d’une demi-once ; & ayant bien fait connoître ſes pôles, au moyen d’une aiguille aimantée, il le mit en contact entre les deux barres, de façon qu’il préſentoit à chacune ſes pôles répulſifs ; il laiſſa cet aimant dans cette poſition pendant une demi-minute, & l’ayant retiré il fit voir, au moyen de la même aiguille, que ſes pôles étoient abſolument renverſés, & avoient pris la même direction que celle des pôles des deux barres. Il répéta pluſieurs fois la même expérience, & préſentant l’aimant diagonalement par ſes angles aux deux barres, ſes pôles prirent à chaque fois une nouvelle direction.

M. Knight montra enſuite deux aiguilles pour des compas de mer, toutes deux d’acier trempé : l’une de ces aiguilles n’avoit point été chauffée après la trempe, & l’autre avoit été bleuie, & en conſervoit encore la couleur ; il les aimanta toutes deux avec les barres magnétiques, comme il a été dit au mot Aiguille aimantée, & ainſi qu’on le voit, figure 363. n, n pôle du nord des deux barres ; s s pôle du ſud des deux barres ; a a aiguille de compas de mer, poſée ſur les barres, poſée par le centre de la chape au-deſſus de la ligne de contact des deux barreaux. On y a vu, qu’en appuyant ſur le centre de l’aiguille & en tirant les barreaux de chaque côté, en les faiſant gliſſer ſur l’aiguille, celle-ci acquit par cette ſeule friction la plus forte vertu magnétique, proportionnelle à ſa maſſe. On y a vu encore que les aiguilles dont on a parlé, ayant été aimantées, celle d’acier trempé de tout ſon dur, avoit acquis une force double de celle d’acier de trempe de reſſort, ou bleui ; &c.

Deux barreaux magnétiques de M. Knight furent envoyés à Paris, l’un à M. de Réaumur, & l’autre à M. de Buffon ; le premier qui avoit environ 3 pouces & demi de longueur, ſur deux ou trois lignes & demie en quarré ; &, quoiqu’il ne peſât que 3 gros 36 grains, il portait 3 onces 12 grains. Le ſecond avoit à-peu-près les mêmes proportions que le premier, mais il peſoit 4 gros 55 grains ; auſſi portoit-il un peu plus que le précédent, & il ſoutenoit, étant chargé peu-à-peu, 3 onces 4 gros & demi.

On trouve donc dans les barres de M. Knight une preuve inconteſtable qu’on peut, 1o. communiquer à l’acier, par le moyen de cette nouvelle méthode, une vertu magnétique beaucoup plus forte que celle qu’on avoit pu lui communiquer juſqu’à cette époque, en ſe ſervant même des meilleures pierres d’aimant qu’on connoiſſe. 2o. Que l’acier ainſi aimanté conſerve long-temps ſa vertu, puiſqu’on a vu de ces barres magnétiques n’avoir preſque rien perdu de leur force après un temps très-conſidérable. Il eſt vrai que pour cet effet il faut employer pluſieurs précautions, telles que de ne jamais tirer ces barreaux de l’étui un à un, mais les faire gliſſer enſemble ; de ne les ſéparer, lorſqu’on veut s’en ſervir, qu’en les ouvrant comme un compas ; de ne jamais permettre qu’ils ſe touchent latéralement, mais toujours en pointe, & jamais par ſes pôles répulſifs, ni les placer auprès d’une groſſe maſſe de fer ; enfin de ne pas les fatiguer à enlever des poids conſidérables, ni de s’en ſervir pour changer les pôles d’un aimant naturel, à moins que ces aimans ne ſoient aux barreaux magnétiques en volume & en poids comme 1 à 15.

La découverte de ces barreaux magnétiques diſpenſe du ſoin de ſe procurer de bons aimans naturels, toujours d’un prix aſſez conſidérable ; puiſque deux barreaux aimantés ſuffiſent pour communiquer plus de force à une aiguille de bouſſole, qu’on ne pourroit lui en donner avec les deux plus forts aimans qui ſoient en Angleterre ; car on a prétendu dans le temps qu’une aiguille aimantée ſur la pierre de la ſociété de Londres, ne recevoit que la moitié de la force que pouvoit recevoir une aiguille de même volume & de même poids qui étoit aimantée avec les barres de M. Knight. La pierre d’aimant de la ſociété royale de Londres, qui communique cette vertu à une aiguille d’acier de trempe de reſſort, n’a jamais pu la communiquer pareillement à une aiguille d’acier trempé parfaitement dur.

Cette dernière qualité des barres magnétiques dut bientôt faire une vive impreſſion ſur ceux qui travailloient à perfectionner la bouſſole. L’impoſſibilité d’avoir des pierres d’aimant aſſez fortes pour aimanter ſuffiſamment des aiguilles d’acier trempé parfaitement dur, étoit cauſe qu’on ne ſe ſervoit ordinairement, pour faire les aiguilles, que d’acier revenu bleu. Cependant l’expérience journalière prouve que cette dernière eſpèce d’acier eſt expoſée à perdre, en peu de temps, une grande partie de ſon magnétiſme. C’eſt ce qui fait qu’on étoit obligé, dans les longues navigations, de retoucher de temps en temps les aiguilles de bouſſoles. Par les méthodes anciennes, on étoit obligé de réitérer les frictions magnétiques juſqu’à 120 fois & davantage ; tandis qu’avec les barreaux aimantés dont nous parlons, on peut facilement, par une ſeule opération, ou deux ou trois, communiquer une forte vertu. Voyez Magasins magnétiques.

Ce fut inutilement que M. Knight prétendit dérober ſon ſecret au public ; pluſieurs phyſiciens, tentèrent de le deviner, & s’ils n’ont pas trouvé ſa méthode, ils en ont découvert d’autres par leſquelles on eſt parvenu au même but.

Avant qu’on eût parlé de la méthode de M. Knight, M. le Maire, habile ingénieur pour les inſtrumens de mathématiques, à Paris, avoit trouvé une nouvelle méthode dont nous parlerons bientôt, & ſelon laquelle il aimantoit un barreau d’acier plus parfaitement que par la pratique ordinaire, & qui même ne le cédoit preſque point en force aux aimans artificiels de M. Knight. M. le Maire l’ayant communiqué à M. Duhamel, ces deux phyſiciens multiplièrent les expériences,