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AIR
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Conſidéré comme tel, on en fait une ſubſtance ſui generis, qui ne dérive d’aucune autre, qui ne peut être engendrée, qui eſt incorruptible, immuable, préſente en tous lieux, dans tous les corps, &c. D’autres s’attachent à ſon élaſticité, qu’ils regardent comme ſon caractère eſſentiel & diſtinctif ; ils ſuppoſent qu’il peut être produit & engendré, & que ce n’eſt autre choſe que la matière des autres corps, devenue, par les changemens qui y ſont faits, ſuſceptible d’une élaſticité permanente. M. Boyle nous rapporte pluſieurs expériences qu’il a lui-même faites ſur la production de l’air. Ce philoſophe appelle produire de l’air, tirer une quantité d’air ſenſible de corps où il ne paroiſſoit pas y en avoir du tout, du moins où il paroiſſoit y en avoir moins que ce qui en a été tiré. Il obſerve que parmi les différentes méthodes propres à cet effet, les meilleures ſont la fermentation, la corroſion, la diſſolution, la décompoſition, l’ébullition de l’eau & des autres fluides, & l’action réciproque des corps, ſur-tout des corps ſalins, les uns ſur les autres. Hiſt. de l’air. Il ajoûte que les différens corps ſolides & minéraux, dans les parties deſquels on ne ſoupçonneroit pas la moindre élaſticité, étant plongés dans des menſtrues corroſives, qui ne ſoient point élaſtiques non plus, on aura cependant, au moyen de l’atténuation des parties, cauſée par leur froiſſement, une quantité conſidérable d’air élaſtique. Voyez ibid.

Newton eſt du même ſentiment. Selon ce philoſophe, les particules d’une ſubſtance denſe, compacte, & fixe, adhérentes les unes aux autres par une puiſſante force attractive, ne peuvent être ſéparées que par une chaleur violente, & peut-être jamais ſans fermentation ; & ces corps raréfiés à la fin par la chaleur ou la fermentation, ſe transforment en un air vraiment élaſtique. Voyez l’Optique de Newton. Sur ce principe, il ajoute que la poudre à canon produit de l’air par ſon exploſion. Ibid,

Voilà donc non-ſeulement des matériaux pour produire de l’air, mais auſſi la méthode d’y procéder ; en conſéquence de quoi on diviſe l’air en réel ou permanent, & en apparent ou paſſager. Car pour ſe convaincre que tout ce qui paroît air ne l’eſt pas pour cela, il ne faut que l’exemple de l’éolipyle, où l’eau étant ſuffiſament raréfiée par le feu, ſort avec un ſifflement aigu, ſous la forme d’une matière parfaitement ſemblable à l’air, mais bien-tôt après perd cette reſſemblance, ſur-tout au froid, & redevient eau par la condenſation, telle qu’elle étoit originairement. On peut obſerver la même choſe dans l’eſprit-de-vin, & autres eſprits ſubtils & fugitifs qu’on obtient par la diſtillation ; au lieu que l’air réel ne ſe peut réduire ni par la compreſſion, ni par la condenſation ou autre voie, en aucune autre ſubſtance que de l’air. Voyez Éolipyle.

On peut donc faire prendre à l’eau pour quelque temps l’apparence de l’air ; mais elle reprend bientôt la ſienne. Il en eſt de même des autres fluides ; la plus grande ſubtiliſation qu’on y puiſſe produire, eſt de les réduire en vapeurs, leſquelles conſiſtent en un fluide extrêmement raréfié, & agité d’un mouvement fort vif : car pour qu’une ſubſtance ſoit propre à devenir un air permanent, il faut, dit-on, qu’elle ſoit d’une nature fixe, autrement elle ne ſauroit ſubir la tranſmutation qu’il faudroit qu’il s’y fît, mais elle s’envole & ſe diſſipe trop vîte. Ainſi la différence entre l’air paſſager & l’air permanent, répond à celle qui eſt entre les vapeurs & les exhalaiſons, qui conſiſte en ce que celles-ci ſont ſèches, & celles-là humides, &c. Voyez Vapeur & Exhalaison

La plûpart des philoſophes font conſiſter l’élaſticité de l’air dans la figure de ſes particules. Quelques-uns veulent que ce ſoit de petits flocons ſemblables à des touffes de laine ; d’autres les imaginent tournées en rond comme des cerceaux, ou roulées en ſpirale comme des fils d’archal, des copeaux de bois, ou le reſſort d’une montre, & faiſant effort pour ſe rétablir en vertu de leur contexture ; de ſorte que pour produire de l’air, il faut, ſelon eux, produire des particules diſpoſées de cette manière ; & qu’il n’y a de corps propres à en produire, que ceux qui ſont ſuſceptibles de cette diſpoſition ; or, c’eſt de quoi, ajoutent-ils, les fluides ne ſont pas ſuſceptibles, à cauſe du poli, de la rondeur, & de la lubricité de leurs parties.

Mais Newton (Opt. pag. 371.) propoſe un ſyſtême différent ; il ne trouve pas cette contexture des parties ſuffiſante pour rendre raiſon de l’élaſticité ſurprenante qu’on obſerve dans l’air, qui peut être raréfié au point d’occuper un eſpace un million de fois plus grand que celui qu’il occupoit avant ſa raréfaction : or, comme il prétend que tous les corps ont un pouvoir attractif & répulſif, & que ces deux qualités ſont d’autant plus fortes dans les corps, qu’ils ſont plus denſes, plus ſolides, & plus compacts, il en conclut que quand par la chaleur, ou par l’effet de quelqu’autre agent, la force attractive eſt ſurmontée, & les particules du corps écartées au point de n’être plus dans la ſphère d’attraction, la force répulſive commençant à agir, les fait éloigner les unes des autres avec d’autant plus de force, qu’elles étoient plus étroitement adhérentes entr’elles, & ainſi il s’en forme un air permanent. C’eſt pourquoi, dit le même auteur, comme les particules d’air permanent ſont plus groſſières, & formées de corps plus denſes que celles de l’air paſſager ou des vapeurs, le véritable air eſt plus peſant que les vapeurs, & l’atmoſphère humide plus légère que l’atmoſphère ſèche. Voyez Attraction, Répulsion &c.

Mais, après tout, il y a encore lieu de douter ſi la matière ainſi extraite des corps ſolides, a toutes les propriétés de l’air ; ſi cet air n’eſt pas paſſager, ou ſi l’air permanent qu’on tire des corps n’y exiſ-