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AIR
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cauſe, ſavoir, la peſanteur de l’air produira ces deux effets qui ſeront équivalemment le même, puiſqu’une colonne de mercure de 27 pouces ½, eſt égale au poids d’une autre colonne d’eau de même baſe, & de 32 pieds de hauteur environ ; car 14, multipliés par 27 pouces ½, donnent un produit de 385 pouces, qui font 32 pieds que nous négligeons ici, parce que le rapport du poids du mercure à celui de l’eau, n’eſt pas tout à fait comme 14 eſt à 1, ainſi que nous le dirons ailleurs ; mais ici il étoit à propos de former un nombre rond. Ce raiſonnement eſt évident, d’après les lois de cette partie de l’hydroſtatique qui traite de l’équilibre des liqueurs hétérogènes. L’expérience le confirme ; il n’eſt donc plus permis de douter de la peſanteur de l’air & de ſon influence ſur pluſieurs effets que les anciens avoient ridiculement attribué à l’horreur de la nature pour le vuide. Voyez Baromètre.

À peine cette expérience de Toricelli eut-elle été faite, que le père Mersenne, célèbre minime de Paris, chez qui tous les ſavans ſe réuniſſoient ſouvent, s’empreſſa de la faire connoître par toute la France en 1744. L’explication de cette expérience fût conteſtée par quelques ſavans de Rouen, qui objectèrent que le haut du tube de Toricelli étoit rempli par des eſprits évaporés du mercure, & qu’ainſi, l’horreur du vuide ſubſiſtoit toujours. M. Paſcal, qui avoit été inſtruit de l’expérience de Toricelli par M. Petit, intendant des certifications, qui l’avoit appriſe du père Merſenne ; M. Paſcal réſolut de convaincre ces mauvais phyſiciens par leurs propres principes. Pour cet effet, il fit attacher à un mât deux tubes de verre, comme celui de Toricelli, mais de 40 pieds de hauteur ; l’un fut rempli de vin & l’autre d’eau. Tous les deux furent de même retournés & plongés enſuite, chacun dans un vaſe plein de ſa longueur reſpective. L’eau reſta ſuſpendue à 31 pieds 1 pouce 4 lignes, & le vin à 33 pieds 3 pouces : on changea enſuite les liqueurs de tubes, & il n’y eut aucun changement dans les élévations des liqueurs, qui furent conſtamment les mêmes. Cette expérience fut faite, en 1646, ſur la place de la vénerie de Rouen, en préſence des ſavans de cette ville, qui étoient encore reſtés attachés à la doctrine péripatéticienne, & elle les réduisit au ſilence : car, ſelon les principes, le vin ayant plus d’eſprits que l’eau, devoit laiſſer au haut du tube un plus grand eſpace que l’eau, ce qui fut démenti par l’expérience ; le vin étant plus léger, monta au contraire plus haut pour compenſer, par l’excès de ſa hauteur, le défaut de ſon poids relatif, plus petit que celui de l’eau. Par la même raiſon, l’eau-de-vie, l’eſprit de vin, l’éther, ſe ſeroient élevés plus haut que le vin, en raiſon de leur légèreté reſpective.

M. Perrier, encouragé par ſes ſuccès, ſe détermina bientôt à faire des obſervations jour par jour, depuis le commencement de l’année 1649 juſqu’au dernier mars 1651, dans la ville de Clermont, afin d’examiner ſi la diverſité de la température, dans différens lieux & dans le même endroit, produisoit des variations dans les élévations ou abaiſſemens du mercure. Pour cet effet, il laiſſa en expérience continuelle un tube de Toricelli dans ſon cabinet, & le conſulta : il tint compte chaque jour, le matin, à midi & le ſoir, des différences qu’il appercevoit au moyen des diviſions en pouces & en lignes qu’il avoit faites à ſon tube. Il engagea un de ſes amis, à Paris, à s’occuper des mêmes obſervations : il écrivit à M. Chanut, ambaſſadeur de France, en Suède, pour qu’il lui communiquât les expériences de ce genre, que Deſcartes faiſoit avec lui à Stockolm, & leur envoya le réſultat de ſes obſervations.

De ces différentes obſervations, comparées entre-elles, M. Perrier penſa qu’on pouvoit conclure, avec quelque certitude, cette règle générale ; que le mercure s’élève toutes les fois que ces deux choſes arrivent enſemble, ſavoir, que le temps ſe refroidit, & qu’il ſe charge ou ſe couvre ; & qu’il s’abaiſſe, au contraire, toutes les fois que ces deux choſes arrivent enſemble, que le temps devient plus chaud, & qu’il ſe décharge par la pluie ou par la neige. Mais quand il ne ſe rencontre qu’une de ces deux choſes, par exemple, que le temps ſeulement ſe refroidit & qu’il ne ſe couvre point, il peut bien arriver que le vif argent ne ſe hauſſe pas, quoique le froid le faſſe hauſſer d’ordinaire, parce qu’il ſe rencontre une qualité en l’air, comme de la pluie ou de la neige, qui produit un effet contraire ; & en ce cas, celle des deux qualités du froid ou de la neige qui prévaut, l’emporte. M. Chanut avoit conjecturé, par ſes premières obſervations, que c’étoit les vents régnans qui cauſoient ces divers changemens.

L’expérience du Puy-de-Dôme étant une des plus importantes qu’il y ait ſur cette matière, nous avons cru à propos de remonter aux ſources mêmes, d’en donner un détail circonſtancié, bien perſuadé de l’intérêt qu’il inſpirera aux vrais phyſiciens. Nous ne paſſerons point ici, ſous ſilence, la réclamation, qu’on a faite depuis peu, en faveur de Jean Rey, à qui on a attribué la première découverte de la peſanteur de l’air. Cet auteur, qui écrivoit en 1629, antérieurement à Galilée, à Toricelli, Deſcartes & Paſcal, a reconnu & prouvé la peſanteur & l’élaſticité de l’air. Voyez ſon eſſai quatrième, & ſur-tout l’eſſai dixième, où il cite l’exemple de l’air comprimé qui augmente de poids. Il nous paroît ſeulement que Jean Rey a été perſuadé de la peſanteur de l’air, comme Ariſtote & quelques autres l’avoient été avant lui ; que les preuves qu’on en apportoit, quoique bonnes en elles-mêmes, n’étoient pas capables de convaincre l’incrédulité péripatéticienne. Ainſi les brillantes preuves données par Toricelli, Deſcartes, Paſcal, Perrier, &c., doivent leur aſſurer l’honneur de la découverte. Voyez au mot Pesanteur, l’article peſanteur de l’air. Voyez encore Pneumatique, Machine pneumatique.