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AIR

qui ne contienne que très-peu d’air, lorſqu’on vient à pomper l’air, elle s’y enfle & paroît toute pleine. La même choſe arrivera ſi l’on porte une veſſie flaſque ſur le ſommet d’une haute montagne.

Cette même expérience fait voir d’une manière évidente, que l’élaſticité des corps ſolides eſt fort différente de la vertu élaſtique de l’air, & que les corps ſolides & élaſtiques ſe dilatent tout autrement que l’air. En effet, lorſque l’air ceſſe d’être comprimé, non-ſeulement il ſe dilate, mais il occupe alors un plus grand eſpace, & reparoît ſous un plus grand volume qu’auparavant ; ce qu’on ne remarque pas dans les corps ſolides & élaſtiques, qui reprennent ſeulement la figure qu’ils avoient avant que d’être comprimés.

L’air tel qu’il eſt tout proche de notre globe, ſe raréfie de telle manière que ſon volume eſt toujours en raiſon inverſe des poids qui le compriment, c’eſt-à-dire, que ſi l’air preſſé par un certain poids occupe un certain eſpace, ce même air preſſé par un poids qui ne ſoit que la moitié du précédent, occupera un eſpace double de celui qu’il occupoit dans le premier cas. M. Boyle & M. Mariotte ont établi cette règle par des expériences. La même règle a lieu lorſqu’on comprime l’air, comme M. Mariotte l’a fait voir auſſi. Cependant il ne faut pas regarder cette règle comme parfaitement exacte ; car, en comprimant l’air bien fortement, & le réduiſant à un volume quatre fois plus petit, l’effet ne répond plus à la règle donnée par M. Mariotte ; cet air commence alors à faire plus de réſiſtance, & a beſoin, pour être comprimé davantage, d’un poids plus grand que la règle ne l’exige. En effet, pour peu qu’on y faſſe attention, on verra qu’il eſt impoſſible que la règle ſoit exactement vraie : car, lorſque l’air ſera ſi fort comprimé que toutes ſes parties ſe toucheront & ne formeront qu’une ſeule maſſe ſolide, il n’y aura plus moyen de comprimer davantage cette maſſe, puiſque les corps ſont impénétrables. Il n’eſt pas moins évident que l’air ne ſauroit ſe raréfier à l’infini, & que ſa raréfaction a des bornes ; d’où il s’enſuit que la règle des raréfactions en raiſon inverſe des poids comprimans, n’eſt pas non plus entièrement exacte ; car il faudroit, ſuivant cette règle, qu’à un dégré quelconque de raréfaction de l’air, on trouvât un poids correſpondant qui empêcheroit cette raréfaction d’être plus grande. Or, lorſque l’air eſt raréfié le plus qu’il eſt poſſible, il n’eſt alors chargé d’aucun poids, & il occupe cependant un certain eſpace.

On ne ſauroit aſſigner des bornes préciſes à l’élaſticité de l’air, ni la détruire ou altérer aucunement. M. Boyle a fait pluſieurs expériences, pour voir s’il pourroit affoiblir le reſſort d’un air extrêmement raréfié dans la machine pneumatique, en le tenant long-temps comprimé par un poids dont il eſt étonnant qu’il ſoutînt la force pendant un ſeul inſtant ; & après tout ce temps, il n’a point vu de diminution ſenſible dans ſon élaſticité. M. de Roberval ayant laiſſé un fuſil à vent chargé pendant ſeize ans d’air condenſé, cet air mis enfin en liberté, pouſſa une balle avec autant de force qu’auroit pu faire un air tout récemment condenſé.

Cependant M. Hawksbée a prétendu prouver par une expérience qu’il a faite depuis, que le reſſort de l’air peut être tellement dérangé par une violente preſſion, qu’il ne puiſſe plus ſe rétablir qu’au bout de quelque temps. Il prit pour cet effet un vaiſſeau de cuivre bien fort, dans lequel il verſa d’abord une demi-pinte d’eau ; il y comprima enſuite trois ou quatre fois plus d’air qu’il n’y en avoit eu auparavant : une heure après il ouvrit le vaſe, & en laiſſa ſortir l’air en y ſerrant avec une vis un tuyau ouvert dont l’un des bouts étoit plongé dans l’eau : il trouva, peu de temps après, que l’eau s’étoit élevée d’un pied dans le tuyau, & qu’elle venoit juſqu’à la hauteur de 16 pouces. Il conclut de-là, que la force élaſtique de l’air avoit été affoiblie pendant quelque-temps ; car ſi elle fût reſtée la même qu’elle étoit auparavant, tout l’air n’eût pas manqué de s’échapper du vaſe après qu’il eût été ouvert : d’où il s’enſuit, ſelon M. Hawksbée, que cet air étant reſté dans le vaſe, il s’y étoit enſuite raréfié, & avoit fait monter l’eau dans le tuyau. Cependant, on pourroit ſoupçonner qu’il ſeroit peut-être entré une plus grande quantité d’air dans l’eau, parce que l’air qui repoſoit deſſus, ſe trouvoit trois ou quatre fois plus comprimé, & que l’air n’auroit été en état de ſe dégager de l’eau qu’après un certain temps ; enſorte que celui qui avoit pu s’échapper librement, ſeroit en effet ſorti du vaſe, tandis que celui qui avoit pénétré l’eau en trop grande quantité, aurait eu beſoin de temps pour en ſortir. M. Muſſchenbroeck ayant verſé du mercure dans un tuyau de 8 pieds de long, dont un des bouts étoit recourbé, & ayant de cette manière comprimé l’air dans le bout recourbé, ſcella enſuite l’autre bout hermétiquement, & marqua le degré de chaleur que l’air avoit alors. Depuis ce temps, il dit avoir toujours obſervé que le mercure ſe tenoit à la même hauteur dans le tuyau, lorſque l’air avoit le même degré de chaleur qu’au commencement de l’expérience. Au contraire, lorſque l’air devenoit plus chaud, le mercure montoit dans le tuyau ; d’où il paroîtroit s’enſuivre que la compreſſion de l’air ne lui fait point perdre ſon élaſticité. On ne ſauroit cependant nier que l’air ne puiſſe perdre de ſa force élaſtique, puiſque M. Hales a prouvé que la choſe étoit poſſible, en mettant le feu à du ſoufre dans un verre plein d’air ; & peut-être y a-t-il un plus grand nombre d’exhalaiſons qui produiſent le même effet. Muſſch.

Il eſt viſible que le poids ou la preſſion de l’air ne dépend pas de ſon élaſticité, & qu’il ne ſeroit ni plus ni moins peſant, quand il ne ſeroit pas élaſtique. Mais de ce qu’il eſt élaſtique, il s’enſuit qu’il doit être ſuſceptible d’une preſſion qui le réduiſe à