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AIR
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de de pouce ; il paſſeroit à-travers le plomb, s’il n’étoit battu à coups de marteau : il ne traverſe pas non plus le verre, ni les pierres dures & ſolides, ni la cire, ni la poix, la réſine, le ſuif & la graiſſe ; mais il s’inſinue dans toutes ſortes de bois, quelque durs qu’ils puiſſent être. Il paſſe à-travers le cuir ſec de brebis, de veau, le parchemin ſec, la toile sèche, le papier blanc, bleu ou gris, & une veſſie de cochon tournée à l’envers ; mais lorſque le cuir, le papier, le parchemin ou la veſſie, ſe trouvent pénétrés d’eau, ou imbibés d’huile ou de graiſſe, l’air ne paſſe plus alors à-travers : il pénètre auſſi bien plus facilement le bois ſec que celui qui eſt encore vert ou humide. Cependant, lorſque l’air eſt dilaté juſqu’à un certain point, il ne paſſe plus alors à travers les pores de toutes ſortes de bois.

Venons aux effets que les différentes ſubſtances mêlées dans l’air produiſent ſur les corps inanimés. L’air n’agit pas uniquement en conſéquence de ſa peſanteur & de ſon élaſticité ; il a encore une infinité d’autres effets, qui réſultent des différens ingrédiens qui y ſont confondus.

Ainſi, 1o. non-ſeulement il diſſout & atténue les corps par ſa preſſion & ſon froiſſement, mais auſſi comme étant un chaos qui contient toutes ſortes de menſtrues, & qui conſéquemment trouve partout à diſſoudre quelque ſorte de corps. Voyez Dissolution.

On ſait que le fer & le cuivre ſe diſſolvent aiſément & ſe rouillent à l’air, à moins qu’on ne les garantiſſe en les enduiſant d’huile. Boerhaave aſſure avoir vu des barres de fer tellement rongées par l’air, qu’on les pouvoit mettre en poudre ſous les doigts. Pour le cuivre, il ſe convertit à l’air en une ſubſtance à-peu-près ſemblable au vert-de-gris qu’on fait avec le vinaigre. Voyez Fer, Cuivre, Vert-de-gris, Rouille, &c.

M. Boyle rapporte que, dans les régions méridionales de l’Angleterre, les canons ſe rouillent ſi promptement, qu’au bout de quelques années qu’ils ſont reſtés expoſés à l’air, on en enlève une quantité conſidérable de crocus de Mars.

Acoſta ajoute que, dans le Pérou, l’air diſſout le plomb, & le rend beaucoup plus lourd ; cependant l’or paſſe généralement pour ne pouvoir être diſſous par l’air, parce qu’il ne contracte jamais de rouille, quelque long-temps qu’on l’y laiſſe expoſé. La raiſon en eſt que le ſel marin, qui eſt le ſeul menſtrue capable d’agir ſur l’or, étant très-difficile à volatiliſer, il n’y en a qu’une très-petite quantité dans l’air, à proportion des autres ſubſtances. Dans les laboratoires de chimie, où l’on prépare l’eau régale, l’air étant imprégné d’une grande quantité de ce ſel, l’or y contracte de la rouille comme les autres métaux. Voyez Or, &c.

Les pierres même ſubiſſent le ſort commun aux métaux : ainſi, en Angleterre, on voit s’amollir & tomber en pouſſière la pierre de Purbec, dont eſt bâtie la cathédrale de Salisbury ; & M. Boyle dit la même choſe de la pierre de Blacaington.

Il ajoute que l’air travaille conſidérablement ſur le vitriol, même lorſque le feu n’a plus à y mordre. Le même auteur a trouvé que les fumées d’une liqueur corroſive agiſſoient plus promptement & plus manifeſtement ſur un métal expoſé à l’air, que ne faiſoit la liqueur elle-même ſur le même métal qui n’étoit pas en plein air.

2o. L’air volatiliſe les corps fixes : par exemple, ſi l’on calcine du ſel, & qu’on le fonde enſuite, qu’on le ſèche & qu’on le refonde encore, & ainſi de ſuite pluſieurs fois, à la fin il ſe trouvera tout-à-fait évaporé, & il ne reſtera au fond du vaſe qu’un peu de terre. Voyez Volatil, Volatilisation, &c.

Van-Helmont fait un grand ſecret de chimie de volatiliſer le ſel fixe de tartre ; mais l’air tout ſeul ſuffit pour cela : car ſi l’on expoſe un peu de ce ſel à l’air, dans un endroit rempli de vapeurs acides, le ſel tire à lui tout l’acide ; & quand il s’en eſt ſoûlé, il ſe volatiliſe.

3o. L’air fixe auſſi les corps volatils : ainſi, quoique le nitre ou l’eau-forte s’évaporent promptement au feu, cependant, s’il y a près du feu de l’urine putréfiée, l’eſprit volatil ſe fixera & tombera au fond.

4o. Ajoutez que l’air met en action les corps qui ſont en repos, c’eſt-à-dire, qu’il excite leurs facultés cachées. Si donc il ſe répand dans l’air une vapeur acide, tous les corps dont cette vapeur eſt le menſtrue, en étant diſſous, ſont mis dans un état propre à l’action. Voyez Acide, &c.

En chimie, il n’eſt point-du-tout indifférent qu’un procédé ſe faſſe à l’air ou hors de l’air, ou même à un air ouvert, ou à un air enfermé. Ainſi le camphre brûlé dans un vaiſſeau fermé, ſe met tout en ſel ; au lieu que ſi, pendant le procédé, on découvre le vaiſſeau, & qu’on en approche une bougie, il ſe diſſipera tout en fumée. De même, pour faire du ſoufre inflammable, il faut un air libre. Dans une cucurbite fermée, on pourroit le ſublimer juſqu’à mille fois, ſans qu’il prît feu. Si l’on met du ſoufre ſous une cloche de verre avec du feu deſſous, il s’y élèvera un eſprit de ſoufre ; mais s’il y a la moindre fente à la cloche par-où l’air enfermé puiſſe avoir communication avec l’air extérieur, le ſoufre s’enflammera auſſitôt. Une once de charbon de bois enfermée dans un creuſet bien luté, y reſtera ſans déchet, pendant quatorze ou quinze jours, à la chaleur d’un fourneau toujours au feu, tandis que la millième partie du feu qu’on y a conſumé, l’auroit mis en cendres dans un air libre. Van-Helmont ajoute que, pendant tout ce temps-là, le charbon ne perd pas même ſa couleur noire ; mais que s’il s’y introduit un peu d’air