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AIR
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C’eſt ſur ce principe que ſont fondés la conſtruction & l’uſage de l’hygromètre. Voyez Hygromètre

Ces différences dans l’air ont auſſi une grande influence ſur les expériences des philoſophes, des chimiſtes & autres.

Par exemple, il eſt difficile de tirer l’huile du ſoufre, per campanam, dans un air clair & ſec, parce qu’alors il eſt très-facile aux particules de ce minéral de s’échapper dans l’air : mais dans un air groſſier & humide, elle vient en abondance. Ainſi tous les ſels ſe mêlent plus aiſément, & étant fondus, agiſſent avec plus de force dans un air épais & humide ; toutes les ſéparations de ſubſtances s’en font auſſi beaucoup mieux. Si le ſel de tartre eſt expoſé dans un endroit où il y ait dans l’air quelque eſprit acide flottant, il s’en imprégnera, & de fixe deviendra volatil. De même les expériences faites ſur des ſels à Londres, où l’air eſt abondamment imprégné du ſoufre qui s’exhale du charbon de terre qu’on y brûle, réuſſiſſent tout autrement, que dans les autres endroits du royaume où l’on brûle du bois, de la tourbe, ou autres matières. C’eſt auſſi pourquoi les uſtenſiles de métal ſe rouillent plus vîte ailleurs qu’à Londres ; où il y a moins de corpuſcules acides & corroſifs dans l’air, & pourquoi la fermentation qui eſt facile à exciter dans un lieu où il n’y a point de ſoufre, eſt impraticable dans ceux qui abondent en exhalaiſons ſulphureuſes. Si du vin tiré au clair après qu’il a bien fermenté, eſt tranſporté dans un endroit où l’air ſoit imprégné des fumées d’un vin nouveau qui fermente actuellement, il recommencera à fermenter. Ainſi le ſel de tartre s’enfle comme s’il fermentoit, ſi on le met dans un endroit où l’on prépare de l’eſprit de nitre, du vitriol, ou du ſel marin. Les braſſeurs, les diſtillateurs & les vinaigriers font une remarque qui mérite bien d’avoir place ici : c’eſt qu’il n’y a pas de meilleur temps pour la fermentation des ſucs des plantes, que celui où ces plantes ſont en fleurs. Ajoutez que les taches faites par les ſucs des ſubſtances végétales ne s’enlèvent jamais mieux de deſſus les étoffes, que quand les plantes d’où ils proviennent ſont dans leur primeur. M. Boyle dit qu’on en a fait l’expérience ſur des taches de jus de coing, de houblon & d’autres végétaux ; & que ſingulièrement une qui étoit de jus de houblon, & qu’on n’avoit pas pû emporter, quelque choſe qu’on y fît, s’en étoit allée d’elle-même dans la ſaiſon du houblon.

Outre tout ce que nous venons de dire de l’air, quelques naturaliſtes curieux & pénétrans ont encore obſervé d’autres effets de ce fluide, qu’on ne peut déduire d’aucune des propriétés dont nous venons de parler. C’eſt pour cela que M. Boyle a compoſé un traité exprès, intitulé : Conjectures ſur quelques propriétés de l’air encore inconnues. Les phénomènes de la flamme & du feu dans le vide portent à croire, ſelon cet auteur, qu’il y a dans l’air une ſubſtance vitale & ſingulière, que nous ne connoiſſons pas, en conſéquence de laquelle ce fluide eſt ſi néceſſaire à la nutrition de la flamme. Mais quelle que ſoit cette ſubſtance, il paroit, en examinant l’air qui en eſt dépouillé, & dans lequel conſéquemment la flamme ne peut plus ſubſiſter, qu’elle y eſt en bien petite quantité en comparaiſon du volume d’air qui en eſt imprégné, puiſqu’on ne trouve aucune altération ſenſible dans les propriétés de cet air. Voyez Flamme.

D’autres exemples, qui ſervent à entretenir ces conjectures, ſont les ſels qui paroiſſent & qui s’accroiſſent dans certains corps, qui n’en produiroient point du tout, ou en produiroient beaucoup moins, s’ils n’étoient pas expoſés à l’air. M. Boyle parle de quelques marcaſſites tirées de deſſous terre, qui étant gardées dans un endroit ſec, ſe couvroient aſſez vîte d’une effloreſcence vitriolique & s’égrugeoient en peu de temps en une poudre qui contenoit une quantité conſidérable de coupe-roſe, quoique vraiſemblablement elles fuſſent reſtées en terre pluſieurs ſiècles ſans ſe diſſoudre. Ainſi la terre où la mine d’alun & de quantité d’autres minéraux, dépouillée de ſes ſels, de ſes métaux & autres ſubſtances, les recouvre avec le temps. On obſerve la même choſe du fraiſi dans les forges.

M. Boyle ajoute que ſur les enduits de chaux de vieilles murailles, il s’amaſſe avec le temps une effloreſcence copieuſe d’une qualité nitreuſe dont on tire du ſalpêtre. Le colcothar de vitriol n’eſt point naturellement corroſif, & n’a de lui-même aucun ſel ; mais ſi on le laiſſe quelque temps expoſé à l’air, il donne du ſel, & beaucoup. Voyez Colcothar.

Autre preuve qui conſtate ces propriétés cachées de l’air ; c’eſt que ce fluide, introduit dans les médicamens antimoniaux, les rend émétiques, propres à cauſer des foibleſſes de cœur & des brûlemens d’entrailles, & qu’il gâte & pourrit en peu de temps des arbres déracinés qui s’étoient conſervés ſains & entiers pendant pluſieurs ſiècles qu’ils étoient reſtés ſur-pied. Voyez Antimoine.

Enfin les ſoies dans la Jamaïque ſe gâtent bien-tôt, ſi on les laiſſe expoſées à l’air, quoiqu’elles ne perdent pas toujours leur couleur ; au lieu que quand on ne les y expoſe pas, elles conſervent leur force & leur teinture. Le taffetas jaune porté au Bréſil y devient en peu de jours gris-de-fer, ſi on le laiſſe expoſé à l’air ; au lieu que, dans les boutiques, il conſerve ſa couleur. À quelques lieues au-delà du Paraguai, les hommes blancs deviennent tannés ; mais dès qu’ils quittent cette contrée, ils redeviennent blancs. Ces exemples, outre une infinité d’autres que nous ne rapportons point ici, ſuffiſent pour nous convaincre que, nonobſtant