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AIR
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s’altère de cette manière. Auſſi les animaux renfermés pendant quelque temps ſous un récipient, même aſſez-grand, dont l’air ne ſe renouvelle pas, meurent-ils bientôt ; un lapin peut être mis facilement à cette épreuve. La raiſon en eſt, que la tranſpiration & la reſpiration vicient l’air ; peu de temps même après le commencement de l’expérience, les parois du récipient ſont humides.

On comprendra facilement comment les priſonniers qui ſont renfermés dans de petits cachots exactement fermés de tous côtés ; un grand nombre de malades qui ſont dans les hôpitaux ; les gens de mer qui ſont renfermés dans un petit eſpace, & ſur-tout à fond de calle pendant la tempête ; comment toutes ces perſonnes ſont ſouvent attaquées de différentes maladies, principalement de fièvres malignes produites ſur-tout par les exhalaiſons qui s’échappent par la tranſpiration. On obſerve même très-ſouvent que quantité de perſonnes très-ſaines & très-robuſtes qui fréquentent les hôpitaux, ſont attaquées de fièvres malignes avant qu’elles ſe ſoient accoutumées à reſpirer l’air putride qu’on y reſpire ; on y remarque auſſi habituellement que ſes opérations chirurgicales qu’on y pratique, n’y réuſſiſſent jamais parfaitement bien, quoiqu’elles ſoient faites par les chirurgiens les plus expérimentés, &c. &c. Muſſchenbroeck.

C’eſt par cette cauſe qu’on explique la mort ſubite de perſonnes qui ont été expoſées aux exhalaiſons de différentes ouvertures, puits, foſſes d’aiſance, antres, mines, caves, tombeaux, cuves ; aux émanations de diverſes matières en fermentation, en putréfaction, en efferveſcence, &c. ; c’eſt par cette raiſon que les perſonnes d’un tempérament délicat ſouffrent plus ou moins, ou même tombent en défaillance lorſqu’elles entrent dans des ſalles où un grand nombre de perſonnes ſont raſſemblées, ſur-tout s’il y a beaucoup de bougies allumées, comme les ſalles de compagnie, celles de ſpectacle, &c.

Rapportons quelques faits qui démontreront ces vérités. Les funeſtes effets de la vapeur du charbon ne ſont guères révoqués en doute, mais preſque tous les jours on voit des victimes de l’imprudence ou de l’ignorance. Le premier mars 1785, ces effets furent conſtatés de nouveau à Salisbury, d’une manière frappante. Miſtriſs Seymour étant, depuis quelque temps, d’une mauvaiſe ſanté, ſes deux ſœurs & une garde voulurent paſſer la nuit avec elle. Vers le matin une ſervante, entrant dans cette chambre, trouva ces quatre perſonnes couchées en divers endroits ; elle courut auſſitôt appeler du ſecours, mais ce ne fut que trop tard pour les trois premières ; il n’y eut que la dernière qui put en profiter. Celle-ci revenue à elle, déclara que, vers minuit, le froid les ayant incommodées, & la chambre étant ſans cheminée, elle étoit allée allumer du charbon dans un réchaud qu’elle avoit porté dans cette chambre, après que la fumée étoit paſſée ; qu’enſuite elle s’étoit couchée à côté de miſtriſs Seymour ; qu’ayant obſervé que ſa ſœur & la garde paroiſſoient tomber en défaillance, & trouvant la chambre trop échauffée, elle avoit porté dehors le réchaud ; qu’étant auſſitôt rentrée pour ſecourir ſa ſœur, elle étoit tombée à la renverſe ; que quoiqu’elle eût fait diverſes tentatives, à certains intervalles, pour porter ſecours à ſa ſœur, elle n’avoit jamais pu y réuſſir, & qu’enfin elle avoit perdu elle-même connoiſſance.

Un maître plombier de Soiſſons étant deſcendu, il y a quelques années, avec deux de ſes garçons, dans un puits, pour y ſouder un tuyau de plomb, à 25 pieds de profondeur, ils eurent l’imprudence de deſcendre avec eux une terrine de charbon, pour faire chauffer leurs fers. Ils y reſtèrent pendant deux heures, occupés à travailler ; mais ils furent obligés, pendant ce temps, de remonter tous les quarts-d’heure, à cauſe des vapeurs, qui les rendoient ivres. Peu après on les trouva couchés ſur l’eſpèce de plancher qu’ils s’étoient conſtruits au niveau de l’eau du puits. Heureuſement on les rentra à temps, & les ſecours qu’on leur adminiſtra furent aſſez efficaces pour les rappeler à la vie. On peut voir dans mon journal des ſciences utiles, année 1790, tom. II, pag. 325, les moyens qu’on employa.

M. de la Condamine rapporte, dans ſa relation du voyage du Pérou, que, dans la province de Quito, il y a un foſſé où les lapins & les oiſeaux meurent, & que s’ils y ſont expoſés à une certaine hauteur, ils n’en ſont point incommodés. Telle eſt auſſi la Grotte du Chien en Italie : dans ces circonſtances, & dans pluſieurs autres analogues, ces effets pernicieux dépendent du gaz fixe ou gaz acide carbonique de la nouvelle nomenclature. Sur le mont Parnaſſe, près de Paris, on voyoit, il y a quelque temps, une ouverture d’où il ſortoit des exhalaiſons qui portoient à la tête, & qui enivroient.

L’accident terrible, arrivé à Saulieu en Bourgogne, le 20 avril 1773, exige d’être rapporté. Des foſſoyeurs découvrirent le cercueil d’un corps enterré le 3 mars précédent. En deſcendant un nouveau cadavre dans cette foſſe, ſa bière & celle du corps qu’on avoit découvert s’entr’ouvrirent. Une odeur fétide ſe répandit auſſitôt, & tous les aſſiſtans furent forcés de ſortir. De 120 jeunes gens des deux ſexes, qu’on préparoit à des exercices de religion, 114 tombèrent dangereuſement malades d’une fièvre putride vermineuſe, accompagnée d’hémorragie, éruption & diſpoſition inflammatoire : 18 perſonnes en moururent, &c. &c.

Le chevalier Pringle rapporte qu’en 1750, le lord maire, trois juges, & plus de quarante per-