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AIR

Dans la première chambre, le plus haut thermomètre monta à 120 degrés du thermomètre de Farenheit, & le plus bas à 110 ; la chaleur de la ſeconde alla de 90 degrés à 85 ; celle de la troiſième fut médiocre, tandis que la température de l’air extérieur étoit au-deſſus du therme de la glace. Trois heures après avoir déjeûné, le docteur Fordyce quitta, dans la troiſième chambre, tous ſes habits, hors ſa chemiſe, prit à ſes pieds de ſimples ſandales, & entra ainſi dans la ſeconde chambre. Après y avoir reſté cinq minutes, à une chaleur de 90 degrés, il commença à ſuer légèrement ; il paſſa alors dans la première, & s’y tint dans la partie chauffée à 110 ; en une demi-minute, ſa chemiſe devint ſi trempée, qu’il fut obligé de s’en dépouiller ; après quoi l’eau ruiſſela par tout ſon corps. Il s’arrêta là dix minutes, & paſſa enſuite dans la partie chauffée à 120 degrés ; quand il y eut reſté 20 minutes, il trouva que le thermomètre placé ſous ſa langue, dans ſa main ou dans ſon urine, ſe fixa exactement à 110 degrés. Son pouls s’éleva, par degrés, au point de battre 145 fois dans une minute. La circulation extérieure parut conſidérablement accrue ; les veines groſſirent beaucoup, & il ſe répandit à la ſurface du corps une rougeur univerſelle, ſuivie d’une vive ſenſation de chaleur : cependant la reſpiration fut peu affectée. Le docteur Fordyce a penſé que l’humidité de ſa peau venoit indubitablement, pour la plus grande partie, de la vapeur de la chambre, condenſée ſur ſon corps. Il termina cette expérience dans la ſeconde chambre, en ſe plongeant dans une eau chaude au 100e degré ; & après s’être eſſuyé, il s’habilla & ſe rendit chez lui en chaiſe. La circulation dura deux heures à ſe ralentir : enſuite il ſe promena en plein air, & ſentit à peine le froid.

La ſeconde expérience du docteur Fordyce ne préſente pas des différences eſſentielles ; les réſultats en furent à-peu-près les mêmes. Depuis, il s’eſt ſouvent expoſé à une chaleur beaucoup plus grande, dans une atmoſphère sèche, & l’a ſoutenue bien plus long-temps, ſans en être incommodé, ce qu’il attribue à deux cauſes : ſavoir, à la ſéchereſſe de l’air, qui ne lui permet pas de communiquer la chaleur comme l’humidité ; & à l’évaporation du corps, qui, plus copieuſe dans un air ſec, aide les forces vitales à produire le froid.

Le 23 janvier, MM. Phillips, Banks, Solander & Blagden, avec M. Fordyce, répétèrent les expériences précédentes. Dans la chambre chaude où ils entrèrent, ils trouvèrent le mercure d’un thermomètre qui y avoit été ſuſpendu, fixé au-deſſus de 150 degrés. En vingt minutes qu’ils y reſtèrent, la chaleur monta environ de 12 degrés, ſur-tout dans le premier moment. Ils y revinrent une heure après, ſans éprouver aucune différence ſenſible, quoique la chaleur eût été conſidérablement augmentée. En y entrant pour la troiſième fois, on obſerva que le mercure étoit monté à 198 degrés du ſeul thermomètre qui leur reſta ; car cette grande chaleur avoit tellement fait déjeter les châſſis d’ivoire des autres, qu’ils ſe caſsèrent tous ; ces meſſieurs demeurèrent alors tous à-la-fois dix minutes dans la chambre ; mais, trouvant que le thermomètre baiſſoit extrêmement vîte, ils convinrent qu’on n’y entreroit déſormais qu’un à-la-fois, & on fit pouſſer le feu auſſi vivement qu’il fut poſſible. Bientôt après, M. Solander, étant entré ſeul dans la chambre, trouva le thermomètre à 210 degrés ; mais, en trois minutes qu’il y reſta, le mercure deſcendit à 196.

L’air chauffé à ces degrés de force, imprime une ſenſation déſagréable, mais qu’on peut très-bien ſupporter. La plus diſgracieuſe pour eux étoit un ſentiment de cuiſſon ou de brûlure au viſage & aux jambes. Leurs jambes ſur-tout ſouffroient extrêmement, parce qu’elles ſe trouvoient expoſées, plus qu’aucune autre partie du corps, à la chaleur du poêle qui étoit chauffé à rouge. Leur reſpiration ne fut nullement affectée ; elle ne devint ni prompte ni laborieuſe. L’unique différence conſiſtoit dans la privation de ce ſentiment de fraîcheur, qui accompagne la libre reſpiration de l’air frais. Autant qu’on put juger, le pouls de M. Blagden battit cent fois dans une minute, vers la fin de la première expérience ; celui de M. Solander faiſoit 92 pulſations dans une minute, immédiatement après être ſorti de la chambre chaude. M. Banks ſua abondamment, mais il fut le ſeul. Toutes les fois qu’ils reſpiroient ſur un thermomètre, l’argent-vif deſcendoit de pluſieurs degrés. Chaque expiration, ſur-tout quand elle étoit forte, imprimoit un très-agréable ſentiment de fraîcheur aux narines qui étoient, pour-ainſi-dire, brûlées par l’air enflammé de l’inſpiration. Leur haleine rafraîchiſſoit de même leurs doigts, toutes les fois qu’ils en étoient atteints. « Quand je la dirigeois ſur mon côté, dit M. Blagden, je la ſentois auſſi froide que ſi j’euſſe touché un cadavre : cependant la chaleur actuelle de mon corps, meſurée ſous ma langue, & par l’application exacte d’un thermomètre à ma peau, étoit à 98 degrés, c’eſt-à-dire, à un degré plus haut que ſa température ordinaire. Lorſque la chaleur de l’air approchoit du plus haut degré que cet appareil fût capable de produire, ſi nous étions dans la chambre, nos corps l’empêchoient d’y parvenir ; & ſi elle l’avoit atteint avant notre arrivée, dès que nous y entrions, nous la faiſions infailliblement baiſſer. Toutes nos expériences confirment cette vérité. À la fin de la première, le thermomètre reſta ſtationnaire : dans la ſeconde, il deſcendit un peu durant le court intervalle que nous reſtâmes dans la chambre : il baiſſa ſi vîte dans la troiſième, que nous fûmes contraints de décider qu’il n’entreroit, à l’avenir, qu’une perſonne à-la-fois, Enfin, M. Banks & le docteur

Solander