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AQU

AQUEDUC. Ce mot déſigne en général tout canal qui ſert à conduire les eaux d’un endroit à un autre. Pour cet effet, il faut avoir des eaux en quantité ſuffiſante dans un lieu, ou les y raſſembler par art, pour les conduire où le beſoin l’exige. On doit niveler tout le terrain pour connoître la pente néceſſaire pour cette conduite ; on conſtruit enſuite des canaux, &c., ainſi qu’on l’expliquera dans un inſtant. Les aqueducs peuvent être faits dans la terre ou au-deſſus de la ſurface de la terre ; ils ſont ou anciens ou modernes. On donnera dans cet article une idée ſuffiſante des uns & des autres.

Lorſqu’on a découvert de l’eau dans un lieu, & qu’on veut la conduire dans un autre endroit, l’on creuſe dans le premier terrain, de petits puits éloignés les uns des autres de 25 ou 30 pas ; on les joints par des tranchées qui reçoivent les tranſpirations de l’eau, & la conduiſent vers le lieu où l’on veut qu’elles ſe rendent. Avant de commencer ce travail, l’on fait un nivellement, afin de profiter de la pente que le terrain pourra présenter naturellement, ou pour en donner une au fond de la tranchée, obſervant, autant que cela ſe peut, de côtoyer les montagnes, parce que les eaux qui en proviennent ſont abondantes & ſaines ; mais il faut prendre garde, en approfondiſſant, de percer les lits de tufs ou de glaiſes qui retiennent l’eau, autrement on pourroit la perdre.

Après avoir creuſé la tranchée à une profondeur conſidérable, donné aux terres un talus proportionné à leurs qualités, réglé la pente de fond, & pouſſé de diſtance en diſtance, à droite & à gauche, des rameaux en forme de patte d’oye, pour raſſembler le plus d’eau que l’on pourra ; l’on étend ſur le fond un lit de terre glaiſe bien battu, enſuite l’on conſtruit une pierrée, c’eſt-à-dire, deux petits murs de pierre poſée à ſec, d’un pied d’épaiſſeur, ſur 18 pouces de hauteur, régnant le long des berges, pour former un petit canal de 8 à 9 pouces de largeur, vers la naiſſance de la tranchée qu’on élargit, à meſure que la conduite eſt plus longue, & que les eaux deviennent plus abondantes. On recouvre enſuite ce canal avec des dalles ou pierres plates, ſur leſquelles on poſe du gazon renverſé, pour empêcher qu’en recomblant la fouille, il ne tombe rien ſur le fond.

Il eſt à propos de former de 50 toiſes en 50 toiſes des puiſards, c’eſt-à-dire, des petits puits de trois pieds de diamètre, ſur ſix environ de profondeur, meſuré au deſſous du fond de la conduite ; ces puits ſont deſtinés à recevoir le ſable & le limon que les eaux entraînent avec elles ; c’eſt pourquoi il faut les revêtir de bonne maçonnerie de brique, enveloppée d’un courrois de terre glaiſe, pour que l’eau ne s’y perde pas. On cure ces puiſards deux fois l’an.

Après avoir, en traverſant le terrain qui fournit de l’eau, pouſſé le canal de pierrée auſſi loin que vont les filtrations, l’on ſe ſert enſuite de tuyaux pour continuer la conduite juſqu’à l’endroit où l’on veut qu’elle ſe rende, ce qui peut ſe faire ſimplement avec des tuyaux de bois ou de grès, lorſqu’on ne rencontre en chemin ni fond ni éminence conſidérables, mais ſeulement des pentes & des contre-pentes douces, le long deſquelles l’eau n’eſt point aſſez forcée pour mettre ces ſortes de tuyaux en danger de crever, autrement il faudroit en employer de fer coulé pour former le reſte de la conduite, ou ne s’en ſervir qu’aux endroits qui en demandent indiſpenſablement.

Les tuyaux de fer ne ſont en uſage que depuis 1672. M. Francini eſt le premier qui en ait fait conſtruire de cette eſpèce, leur longueur n’étoit anciennement que de 3 pieds ; on en fait actuellement de plus longs. Ils ſont accompagnés de brides ; on y met des rondèles de cuir ; des couches de mortier à froid ; enſuite l’on ſe ſert de vis & d’écrous, compoſés de bon fer.

De quelque eſpèce que ſoient les conduites, il faut les accompagner de diſtance en diſtance de regards, pour éprouver les parties qui tiennent ou perdent l’eau : ces regards ne ſont autre choſe que de petits puits ou cheminées par leſquels l’on découvre les tuyaux pour mettre l’eau en décharge. L’on y pratique auſſi des ventouſes, c’eſt-à-dire, de petits tuyaux verticaux ſur la conduite, pour laiſſer échapper l’air entraîné par l’eau, & qui pourroit la faire crever.

L’on peut ſe ſervir d’aqueducs ſouterrains, pour amener l’eau tout naturellement juſqu’à ſa deſtination, ſans être obligé de ſe ſervir de tuyau, lorſque le terrain le permet ; alors on fait un petit canal bien pavé en mortier de ciment, dans le fond de l’aqueduc, accompagné de deux banquettes, pour en faire la viſite, & en faciliter l’écurement.

Un des plus beaux aqueducs ſouterrains qu’on ait en France, eſt celui d’Arcueil, qui ſert à conduire dans une rigole l’eau de pluſieurs tranchées de recherches faites en pierrées dans les campagnes de Rongis, Paret, Coutin. Cet aqueduc a 7 000 toiſes de longueur ; il est conſtruit en pierres de taille, depuis le vallon d’Arcueil juſqu’au château d’eau qui eſt à la porte Saint-Jacques ; ſa pente eſt de 6 pouces, ſur 200 toiſes, & la rigole eſt accompagnée de deux banquettes de 18 pouces de largeur, ſur leſquelles on peut marcher juſqu’au deſſus du village d’Arcueil. Sa hauteur, depuis le fond de la rigole juſqu’au deſſous de la clef, eſt de 6 pieds, excepté en quelques endroits, où on a été obligé d’en donner moins pour s’aſſujettir aux grands chemins ſous leſquels il paſſe.

Un autre aqueduc de cette eſpèce, eſt celui de Rocquancour, qui amène l’eau à Versailles ; ſa longueur eſt de 1 700 toiſes, ayant en tout trois pieds de pente ; qui eſt tout ce qu’on