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AQU

eſt plus grande ou plus petite qu’à leur ſurface. Les uns ont prétendu que les eaux inférieures étant preſſées par les ſupérieures, elles doivent couler plus vîte ; & que de plus, la chûte des eaux depuis leurs ſources juſqu’au fond des rivières, étant plus grande, que depuis les mêmes ſources juſqu’à la ſurface, & les vîteſſes étant par un des principes fondamentaux de l’hydraulique en raiſon ſous doublée des hauteurs ou des chûtes, la vîteſſe des eaux vers le fond doit être plus grande que vers la ſurface.

D’autres oppoſent à ces raiſons la quantité de frottement des eaux contre le fond ou le lit & les bords des fleuves & des rivières, des aqueducs & des conduites d’eau quelconques. M. Pitot a prouvé, dans un mémoire lu en 1730 à l’académie des ſciences, que la quantité de frottemens des fleuves contre leur fond & leurs bords eſt prodigieuſe ; & il eſt heureux qu’elle le ſoit, car ſans les frottemens, les fleuves & les rivières ne ſeroient pas navigables. La preuve en eſt que ſi l’on calcule par les principes du mouvement des eaux la vîteſſe que celles des fleuves doivent prendre par leur chûte de la hauteur de leur ſource, en faiſant abſtraction des frottemens, on trouvera toujours cette vîteſſe vingt fois & ſouvent plus de trente fois plus grande que celle que les eaux des mêmes fleuves ont réellement ; ainſi, ſans les frottemens, preſque toutes les eaux courantes ſeroient des torrens affreux dont on ne tireroit aucun avantage.

Les eaux étant donc rallenties ſi conſidérablement par les frottemens de leurs lits & des bords, il eſt naturel de penſer que celles qui ſont près du fond, ſont plus rallenties que celles de la ſurface. Toutes ces questions peuvent être éclaircies avec la plus grande facilité par le moyen de l’inſtrument qu’a proposé M. Pitot ; puiſque par cette machine on meſurera la juſte quantité de la vîteſſe des eaux, à telle profondeur qu’on voudra, & cela auſſi facilement qu’à leur ſurface. Voici la deſcription qu’en a donnée ce ſavant dans les mémoires de l’académie des ſciences, année 1732, page 366 & ſuivantes.

Α B eſt une tringle de bois, taillée en forme de priſme triangulaire. Voyez la fig. 217. Sur le milieu d’une des trois faces de cette tringle, eſt creuſée une rainure capable de loger deux tuyaux de verre blanc ; l’un de ces tuyaux eſt courbé à angle droit en D ; & le bout D E, fig. 218, paſſe par un trou fait à la tringle.

La face C D, fig. 217, dans laquelle les tuyaux H D E & M N, fig. 218 & 219, ſont logés, eſt diviſée en pieds & pouces. F G I L, fig. 220 & 221, eſt une règle mobile de cuivre refondue dans le milieu ſur preſque toute ſa longueur, de la quantité de la ſomme des diamètres des tuyaux, en-ſorte qu’elle ne couvre les tuyaux qu’à ſes extrémités, & un peu à ſon milieu. Un des côtés de cette règle eſt diviſé en pieds & pouces pour les hauteurs des chûtes d’eau, & l’autre côté en pieds & pouces de vîteſſe de l’eau, relative aux hauteurs, ainſi que nous l’expliquerons bientôt. Elle eſt retenue par de petites plaques de cuivre qui embraſſent la tringle, & qui la ſerrent au moyen de trois vis K K K, fig. 221 ; enſorte qu’on peut arrêter la règle, à telle hauteur qu’on veut de la tringle.

À l’égard des meſures ou des dimenſions de la machine, on pourra prendre la vîteſſe de l’eau à une profondeur d’autant plus grande, que la tringle & les tuyaux ſeront plus longs, en obſervant, d’augmenter la groſſeur ou la force de la tringle à proportion de ſa longueur. On lui donnera environ un pouce & demi de largeur à chaque face, ſur une longueur de 6 pieds, & on la fera du bois le plus fort qu’on trouvera. Comme les plus grandes vîteſſes des fleuves ne vont guère au delà de 10 pieds par ſeconde, il ſuffit de donner à la règle mobile de cuivre 18 ou 20 pouces de longueur.

Le premier tuyau H D E, fig. 218, étant recourbé à angle droit, & le ſecond M N, fig. 219, étant tout droit ; ſi l’on met la machine dans une eau dormante, l’eau s’élèvera à la hauteur de ſon niveau dans les deux tuyaux. Mais dans une eau courante, elle s’élèvera dans le premier tuyau à la hauteur relative à la force du courant, pendant qu’elle reſtera à son niveau dans le ſecond tuyau.

Nous ajouterons encore que, pour rendre le niveau de l’eau plus apparent dans les tubes de verre, on doit paſſer un blanc de ceruſe broyé à l’huile dans la rainure.

Rien n’eſt plus ſimple que l’uſage & la manière de ſe ſervir de cette machine. Si l’on veut, par exemple, meſurer la vîteſſe de l’eau à ſa ſurface, on arrêtera, par le moyen des vis, la règle de cuivre ſur la première diviſion de la tringle, & on préſentera l’ouverture du tuyau recourbé au courant ; alors le niveau de l’eau du ſecond tuyau étant ſur la première diviſion de la règle, on verra monter l’eau dans le premier juſqu’à une certaine hauteur ; cette hauteur ſera marquée en pouces & lignes ſur le côté droit de la règle, & on aura les pieds & pouces de vîteſſe du courant, marqués ſur ſon côté gauche.

Si on veut avoir la vîteſſe du courant à un, deux, ou trois pieds de profondeur, on arrêtera ſimplement la règle mobile ſur ces mêmes diviſions de la tringle, & on opérera comme ci-deſſus.

Il eſt aiſé de diriger l’ouverture du tuyau vis-à-vis le fil de l’eau ; car en tournant doucement la machine, on verra le point où l’eau s’élève le plus dans le premier tuyau. Que ſi on tourne l’ouverture du côté oppoſé au courant, dès

qu’on