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ARC

& que le rayon viſuel paſſant par les pinules de la ſeconde branche, allât aboutir à la partie rouge d’une des extrémités de l’arc-en-ciel. Après s’être bien aſſuré de cette diſpoſition, il retourna l’inſtrument, en ayant attention que le rayon viſuel, paſſant par les pinules de la première branche, allât toujours aboutir au même point azimuthal. Après avoir rendu le plan de l’inſtrument parfaitement horiſontal, il viſa le long des pinules de la ſeconde branche, & il remarqua que le rayon viſuel, dirigé le long de ces pinules, alloit aboutir au rouge de l’autre extrémité de l’arc ; enſorte que les angles compris entre les lignes tirées des parties rouges de ces extrémités de l’arc-en-ciel au centre de l’inſtrument, & la ligne paſſant par ce centre & allant aboutir au point azimuthal du ſoleil, étoient égaux, c’eſt-à-dire, chacun de 142° environ ; de ſorte que les supplémens de ces angles, ou les angles que les rayons venus des extrémités rouges de l’arc faiſoient avec le plan vertical qui paſſoit par la ligne d’aſpect, étoient égaux malgré l’inégalité de diſtance de ces extrémités ; d’où l’on pouvoit conclure que le centre de l’instrument, ou l’œil, lorſqu’il occupoit ſa place, étoit au ſommet du cône formé par les rayons efficaces émergens des gouttes de pluie, & conſéquemment dans l’axe de ce cône, malgré l’apparence contraire. La hauteur du ſoleil, lors de cette obſervation, étoit à-peu-près de 12 degrés.

4o. D’après la théorie de Newton, il doit paroître, en même temps deux arcs-en-ciel, l’interne & l’externe ; cependant il arrive ſouvent qu’on n’en voit que d’interne, quoiqu’il pleuve aſſez fortement pour que ce dernier arc paroiſſe avec beaucoup de vivacité.

Les gouttes de pluie qui produiſent l’arc-en-ciel interne relativement à un ſpectateur, ne peuvent produire l’arc-en-ciel externe pour ce même ſpectateur, à moins qu’il ne s’approche de ces gouttes, & de manière que les rayons efficaces, après deux réflexions, & qui émergent de ces gouttes en faiſant un angle de 54° avec la ligne d’aſpect, parviennent à son œil, au lieu des rayons efficaces, émergent des gouttes après une seule réflexion, en faiſant un angle de 41 à 42 degrés avec la ligne d’aſpect, qui y arrivoient dans le premier cas : ainſi de ce que les gouttes d’eau qui produiſent l’arc interne, exiſtent, il ne s’enſuit nullement qu’on doive voir l’arc externe : il faut de plus qu’il pleuve dans un eſpace aſſez grand, pour ſouſtendre un angle de 54° degrés d’amplitude tout autour de la ligne d’aſpect ; & quelquefois même avec cette dernière condition, l’arc externe ne paroît pas ſenſiblement par la raiſon que, comme il ſe fait dans les gouttes de pluie deux réflexions & deux réfractions de la lumière qui le produit, il ſe perd beaucoup de cette lumière, ſoit par abſorption, ſoit par tranſmiſſion ; enſorte que pour peu que le ſoleil ſoit obſcurci par les nuages ou les vapeurs, & que la pluie ſoit rare, il n’arrive à l’œil qu’un trop petit nombre de rayons efficaces après deux réflexions, pour pouvoir faire une impreſſion ſenſible ſur cet organe, & l’on ne peut voir l’arc-en-ciel : mais ce qui ſuffit pour justifier la théorie, c’eſt que les deux arcs ne manquent jamais de paroître toutes les fois que le ſoleil brille avec éclat, & qu’il pleut fortement à l’oppoſite de cet aſtre & dans un eſpace ſuffiſamment étendu. C’eſt la grande perte qui ſe fait de la lumière ſolaire dans les réflexions qu’elle éprouve dans les gouttes d’eau, qui fait qu’on ne voit tout au plus que deux arcs-en-ciel, tandis que, ſuivant la théorie, il devroit en paroître un nombre infini, comme celui des réflexions poſſibles (théoriquement parlant) de la lumière dans les gouttes de pluie.

5o. Si l’arc-en-ciel eſt produit ſeulement par la réfraction de la lumière dans les gouttes de pluie, comment peut-il être viſible lorsque la pluie eſt extrêmement rare ?

Tous les phyſiciens connoiſſent que l’œil poſsède, à un bien plus haut degré que les autres ſens, la faculté ſingulière de conſerver la ſenſation cauſée par un objet extérieur pendant quelque temps après que cet objet a ceſſé d’agir ſur cet organe : c’eſt par cette raiſon qu’un charbon ardent que l’on fait tourner, paroît comme un cercle de feu ; c’eſt auſſi, ce ſemble, par la même propriété que les couleurs de l’arc-en-ciel paroiſſent ſenſiblement, quoique les gouttes de pluie qui les réfléchiſſent ; ſoient très-rares. Suppoſons en effet qu’une goutte de pluie réfléchiſſe un rayon rouge ſur la rétine, ce rayon y produira une impreſſion qui, quoique légère, y ſubſistera pendant quelque temps, & lors même que la goutte étant deſcendue, n’enverra plus de rayons rouges à l’œil. Si alors une ſeconde goutte prend en deſcendant la place de la première, & envoie de même un rayon rouge à l’œil, l’impreſſion que ce rayon produira ſur la rétine, s’uniſſant à celle qu’a produite le rayon rouge réfléchi par la première goutte, il en réſultera une impreſſion beaucoup plus forte, & elle le ſera bien plus ſi les gouttes ſe ſuccèdent aſſez vîte pour que les impreſſions ſucceſſives des rayons rouges réfléchis par cinq à ſix gouttes, puiſſent, par la faculté qu’a l’œil de les retenir, devenir, en quelque façon, ſimultanées ; & l’on ſent aſſez que dans ce cas, l’œil aura une ſenſation aſſez vive du rouge ; il en eſt de même pour les autres couleurs ; il paroît donc que c’eſt à cette cauſe qu’eſt due l’apparence ſenſible des couleurs de l’arc-en-ciel, malgré la rareté de la pluie, & que ce phénomène perdroit dans tous les cas beaucoup de son éclat, ſi les gouttes de pluie qui le produiſent, au lieu de ſe ſuccéder les unes aux autres, devenoient immobiles & fixes dans le même endroit. Ce qui doit confirmer donc cette opinion, c’eſt que, malgré la multitude des gouttes de roſée dont l’herbe des prairies eſt couverte le matin, on ne voit jamais l’arc-en-terre auſſi bien marqué & auſſi