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ACI

que les acides vitrioliques & ſulfureux paſſeroient alors dans le récipient avec l’acide ſpathique.

Parvenu, par ce procédé, à obtenir l’acide fluorique, exactement dépouillé des acides vitrioliques & ſulfureux, M. de Puymaurin a ſoumis à ſon action pluſieurs ſubſtances, tant métalliques que ſiliceuſes, & expoſé ſes réſultats. De ſes expériences, on doit conclure que l’acide ſpathique attaque plus facilement les pierres ſiliceuſes, & le verre plus que les cryſtaux de roche.

Macquer, obſervant la corroſion du verre des cornues, attribua cet effet à l’acide ſpathique, dans l’état de gaz ou fluide aériforme, & M. de Puymaurin ayant vu un carreau de verre dépoli & corrodé par le gaz qui s’exhaloit d’une cornue où il y avoit un réſidu de diſtillation d’acide ſpathique, eſſaya d’obtenir un pareil effet de cet acide combiné avec l’eau. Le ſuccès ayant confirmé la conjecture, il fut aſſuré que l’acide ſpathique avoit ſur le verre une action preſqu’égale à celle de l’eau forte & des autres acides ſur le cuivre & les autres minéraux.

Il n’y avoit plus qu’un pas à faire pour profiter de cette propriété de l’acide ſpathique, & le rendre utile aux arts. Imitant le procédé des graveurs ſur cuivre à l’eau forte, M. de Puymaurin couvrit une glace d’un enduit de cire, y deſſina quelques figures, recouvrit le tout d’acide ſpathique, & l’expoſa au ſoleil. Bientôt les traits gravés furent recouverts d’une poudre blanche due à la diſſolution du verre. Au bout de quatre ou cinq heures, l’enduit fut détaché ; & après avoir lavé la glace on vit l’effet, tel qu’on s’y étoit attendu : mais cependant les traits gravés étoient inégaux & pleins de bavures. Ces défauts venoient de la trop grande épaiſſeur de l’enduit de cire qui avoit empêché de donner aux traits deſſinés la délicateſſe qu’ils auroient dû avoir ; ce qui indiquoit qu’il falloit employer un vernis qui offrît une ſurface aſſez mince pour ſupporter aiſément les hachures & les autres opérations délicates de la gravure ; & en même-temps aſſez ſolide pour, qu’en s’appliquant exactement ſur la glace, il ne fût point ſoulevé ou détruit par l’action dévorante de l’acide.

La difficulté d’appliquer un corps gras ſur la ſurface du verre, rend très-difficile le ſuccès de cette opération. Le vernis ſolide des graveurs réuſſit aſſez bien ; mais la moindre négligence le rend ſujet à s’écailler & à être pénétré par l’acide. Le verre eſt alors terni ; les traits ſont baveux, & la gravure imparfaite. C’eſt pourquoi on a eu recours au vernis fort des graveurs, décrit dans l’encyclopédie. Il eſt fait avec égale quantité d’huile ſiccative & de maſtic en larmes ; mais il eſt difficile à appliquer également, eſt long à ſécher pendant l’hiver, ayant beſoin d’être expoſé à une forte chaleur, pour lui ôter ſa qualité poiſſeuſe.

Ceci préſuppoſé, avant d’appliquer le vernis ſur la glace, on la nettoie bien, & on la chauffe au point de ne pouvoir y tenir la main. On applique légèrement le vernis. On l’unit en le tamponnant avec des petites balles de taffetas, garnies de coton. On l’expoſe enſuite à la fumée des petites chandelles de réſines, comme en uſent les graveurs à l’eau forte pour les planches de cuivre.

Le vernis bien ſéché, & ſa ſurface bien unie, on y calque, ou l’on y deſſine ce qu’on veut graver ; mais la couleur obſcure de la glace ne faiſant pas reſſortir les traits comme ceux qui ſont deſſinés ſur le cuivre, le graveur travailleroit en aveugle, s’il ne ſoulevoit la glace, en l’expoſant à la lumière. Pour rendre ce travail plus aiſé, on peut ſe ſervir d’une table dont le deſſus s’élève à volonté en forme de pupitre. Au milieu de cette table eſt enchâſſée une glace, ſur laquelle le graveur poſe celle qui eſt verniſſée & qu’il veut graver. Cette glace étant éclairée par deſſous, les traits que burine le graveur, paroiſſent, & il peut aiſément juger de l’effet qu’ils doivent produire.

Il ne ſera pas inutile d’avertir ici les artiſtes des précautions qu’ils doivent prendre. Il faut, 1o. connoître la qualité du verre ou de la glace que l’on emploie ; 2o. la force & la pûreté de l’acide ſpathique ; 3o. le degré de température de l’atmoſphère.

Le verre de bohême n’eſt pas d’une qualité égale, les matières dont il eſt compoſé n’ayant pas ſubi une fuſion aſſez parfaite pour être exactement mêlées : auſſi l’acide ſpathique agit-il ſur lui inégalement.

Le verre anglois, où il entre beaucoup de chaux de plomb, eſt aiſément attaqué par l’acide ; mais la moindre ſoufflure du vernis laiſſe pénétrer l’acide ; la chaux de plomb eſt attaquée la première, & ſa diſſolution donne une teinte déſagréable au verre.

Les glaces ſont les ſubſtances vitreuſes que l’acide ſpathique attaque le plus aiſément. La terre ſiliceuſe y a été parfaitement élaborée par la cuiſſon, & l’acide la trouve dans l’état le plus propre à ſon éroſion. Il faut choiſir les glaces dont le reflet ſoit blanc & non verdâtre. Les glaces des petits miroirs paroiſſent mériter la préférence ; les traits qu’y creuſe l’acide ſont d’une égale profondeur, & n’ont point de bavures.

Il eſt néceſſaire de connoître le degré de pureté de l’acide qu’on emploie. Il faut employer l’acide ſpathique, diſtillé dans une cornue de plomb, ſelon la méthode décrite ci-deſſus, marquant cinq degrés à l’aréomètre de Baumé. Celui qui eſt diſtillé dans une cornue de verre, étant altéré par l’acide vitriolique, & ſaturé par la terre ſiliceuſe de la cornue, ſon action eſt moins forte & moins égale.

Quand le thermomètre de Réaumur marque ſeize degrés à l’ombre, dans un temps clair & ſerein ; ſi on expoſe au ſoleil la glace vernie, recouverte par l’acide, elle eſt gravée au bout de 5 ou 6 heures : on le reconnoit bientôt à la pouſſière blanche qui recouvre les traits que l’on