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Les corps s’attirent réciproquement, non-ſeulement lorſqu’ils ſe touchent, mais auſſi lorſqu’ils ſont à une certaine diſtance les uns des autres ; car mettez entre les deux glaces de miroir, dont nous venons de parler, un fil de ſoie fort fin, alors ces deux glaces ne pourront pas ſe toucher puiſqu’elles ſeront éloignées l’une de l’autre de toute l’épaiſſeur du fil ; cependant on ne laiſſera pas de voir que ces deux glaces s’attirent mutuellement quoiqu’avec moins de force que lorſqu’il n’y avoit rien entr’elles : mettez entre les glaces deux fils que vous aurez tordus enſemble, enſuite trois fils tordus de même, & vous verrez que l’attraction diminuera à meſure que les glaces s’éloigneront l’une de l’autre. Muſſch. ibid.

On peut faire voir, d’une manière bien ſenſible, cette vertu attractive par une expérience curieuſe : prenez un corps ſolide & opaque, qui finiſſe en pointe, ſoit de métal, ſoit de pierre ou même de verre, ſi des rayons de lumière parallèles paſſent tout près de la pointe ou du tranchant de ce corps dans une chambre obſcure, alors le rayon qui ſe trouvera tout près de la pointe ſera attiré avec beaucoup de force vers le corps, & après s’être détourné de ſon chemin, il en prendra un autre, étant briſé par l’attraction que ce corps exerce ſur lui. Le rayon un peu plus éloigné de la pointe, eſt auſſi attiré, mais moins que le précédent, & ainſi il ſera moins rompu & s’écartera moins de ſon chemin. Le rayon ſuivant, qui eſt encore plus éloigné, ſera auſſi moins attiré & moins détourné de ſa première route ; enfin, à une certaine diſtance fort petite, il y aura un rayon qui ne ſera pas attiré du tout, ou du moins ſenſiblement, & qui conſervera, ſans ſe rompre, ſa direction primitive. Muſſch. ibid.

C’eſt à M. Newton que nous devons la découverte de cette dernière eſpèce d’attraction, qui n’agit qu’à de très-petites diſtances connues, comme c’eſt à lui que nous devons la connoiſſance plus parfaite de l’autre qui agit à des diſtances conſidérables. En effet, les lois du mouvement & de la percuſſion des corps ſenſibles dans les différentes circonſtances où nous pouvons les ſuppoſer, ne paroiſſent pas ſuffiſantes pour expliquer les mouvemens inteſtins des particules des corps, d’où dépendent les differens changemens qu’ils ſubiſſent dans leurs contextures, leurs couleurs & leurs propriétés ; ainſi notre philoſophie ſeroit néceſſairement en défaut, ſi elle étoit fondée ſur le principe ſeul de la gravitation, porté même auſſi loin qu’il eſt poſſible. Voyez Lumière, Couleur, &c.

Mais outre les lois ordinaires du mouvement dans les corps ſenſibles, les particules dont ces corps ſont composés, en obſervent d’autres qu’on n’a commencé à remarquer que depuis peu de temps, & dont on n’a encore qu’une connoiſſance fort imparfaite. M. Newton, à la pénétration duquel nous en devons la première idée, s’eſt preſque contenté d’en établir l’exiſtence ; & après avoir prouvé qu’il y a des mouvemens dans les petites parties des corps, il ajoute que ces mouvemens proviennent de certaines puiſſances ou forces qui paroiſſent différentes de toutes les forces que nous connoiſſons.

« C’eſt en vertu de ces forces, ſelon lui, que les petites particules des corps agiſſent les unes ſur les autres, même à une certaine diſtance, & produiſent par-là pluſieurs phénomènes de la nature : les corps ſenſibles, comme nous l’avons déja remarqué, agiſſent mutuellement les uns ſur les autres ; & comme la nature agit d’une manière toujours conſtante & uniforme, il eſt fort vraiſemblable qu’il y a beaucoup de forces de la même eſpèce ; celles dont nous venons de parler s’étendent à des diſtances aſſez ſenſibles pour pouvoir être remarquées par des yeux vulgaires : mais il peut y en avoir d’autres qui agiſſent à des diſtances trop petites, pour qu’on ait pu les obſerver juſqu’ici, & l’électricité, par exemple, agit peut-être à de telles diſtances, même ſans être excitée par le frottement. »

Cet illuſtre Auteur confirme cette opinion par un grand nombre de phénomènes & d’expériences, qui prouvent clairement, ſelon lui, qu’il y a une puiſſance & une action attractive entre les particules, par exemple, du ſel & de l’eau, entre celles de vitriol & de l’eau, du fer & de l’eau-forte, de l’eſprit de vitriol & de ſalpêtre. Il ajoute que cette puiſſance n’eſt pas d’une égale force dans tous les corps ; qu’elle eſt plus forte, par exemple, entre les particules du ſel de tartre & celles de l’eau-forte, qu’entre les particules du ſel de tartre & celles de l’argent ; entre l’eau-forte & la pierre calaminaire, qu’entre l’eau-forte & le fer ; entre l’eau-forte & le fer, qu’entre l’eau-forte & le cuivre, encore moindre entre l’eau-forte & l’argent, ou entre l’eau-forte & le mercure ; de même l’eſprit de vitriol agit ſur l’eau, mais il agit encore davantage ſur le fer ou ſur le cuivre.

Il eſt facile d’expliquer, par l’attraction mutuelle, la rondeur que les gouttes d’eau affectent ; car, comme ces parties doivent s’attirer toutes également & en tout ſens, elles doivent tendre à former un corps dont tous les points de la ſurface ſoient à diſtance égale de ſon centre. Ce corps ſeroit parfaitement ſphérique, ſi les parties qui le compoſent étoient ſans peſanteur ; mais cette force qui les fait deſcendre en en-bas, oblige la goutte de s’alonger un peu ; & c’eſt pour cette raiſon que les gouttes de fluide attaché à la ſurface inférieure des corps dont le grand axe eſt vertical prennent une figure un peu ovale. On remarque auſſi cette même figure dans les gouttes d’eau qui ſont placées ſur la ſurface ſupérieure d’un plan