Page:Encyclopédie méthodique - Physique, T1.djvu/366

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
352
ATT

celle de Chimboraco, méritéroit, de la part des philoſophes, la plus grande attention.

Un plus grand détail ſur cet objet ne peut qu’être utile pour tous ceux qui s’intéreſſeront à cette grande & importante queſtion. C’eſt pourquoi nous le terminerons par l’expoſé des opérations modernes qui ont été faites récemment depuis celles des académiciens français.

M. Bouguer, qui avoit été choiſi avec d’autres académiciens pour meſurer un dégré du méridien à l’équateur, eut l’idée de mettre le ſyſtême de Newton à une nouvelle épreuve : i| imagina d’examiner quelle étoit l’attraction des montagnes, perſuadé que ſi toute la maſſe de la terre étoit douée d’attraction, une haute montagne, comme la nature en avoit abondamment pourvu les contrées du Pérou, où il ſe trouvoit alors, devoit auſſi manifeſter une attraction proportionnelle à ſa maſſe ; il eſt vrai que la plus groſſe montagne des Cordelières n’étoit qu’un très-petit objet par rapport à la terre ; cependant il conclut, d’après un calcul groſſier, que l’attraction de la montagne de Chimboraco, qu’il regarda comme la plus propre à l’objet qu’il s’étoit propoſé, étoit égale à la deux millième partie de l’attraction de toute la terre. Or, l’action de la montagne étant à celle de la terre comme 1 à 2 mille, la direction de la peſanteur devoit s’écarter ſenſiblement de la ligne verticale ; cette déviation devant être d’une minute 43 ſecondes vers la montagne.

Mais comment cette déviation devoit-elle être eſtimée ? Uniquement en meſurant par les étoiles fixes, la quantité dont le fil-à-plomb s’écarte de la verticale. Pour remplir cet objet, il regarda que le meilleur moyen, dans les circonſtances où il ſe trouvoit, étoit de prendre la diſtance au zénith de pluſieurs étoiles dans deux différentes ſtations, l’une au midi de Chimboraco, l’autre à une lieue & demie à l’oueſt, c’eſt-à-dire, à une telle diſtance de cette montagne, qu’il eût peu à craindre que le fil-à-plomb en fût affecté. M. Bouguer ayant ainſi réglé la manière dont il devoit exécuter cette curieuſe expérience, en fit part à M. de la Condamine, qui s’offrit de l’accompagner & de l’aider. M. Bouguer a donné un détail très-clair & très-circonſtancié de tout ce qui regarde cet objet, dans ſon excellent traité de la figure de la terre. On y verra que malgré l’inclémence de l’air dans un lieu ſi élevé, ils n’ont épargné ni peine, ni ſoins pour le ſuccès de leurs opérations. À la vérité, le fil-à-plomb ne s’écarta que de 7 ſecondes & demie de la vrai ligne verticale, au lieu d’une minute 43 ſecondes ; mais M. Bouguer en ſoupçonna la raiſon, en remarquant que comme d’un côté nous ignorons la denſité des parties intérieures de la terre, qui peut être beaucoup plus grande que ce qu’elle nous paroît à ſa ſurface ; d’un autre côté, la montagne de Chimboraco, qu’il croyoit, avec quelque apparence de raiſon, auſſi ſolide que les autres parties de la ſurface de la terre, pouvoit être creuſe cependant dans beaucoup d’endroits. Ajoutons à cela qu’il eſt ſûr que cette montagne a été autrefois un volcan ; d’où il réſulte que ſa maſſe ne répond pas à la grandeur de ſon volume.

M. Maskelyne, aſtronome du roi à Greenwich, pour confirmer de nouveau, la théorie de l’attraction, réſolut, d’après les ordres de la ſociété royale de Londres, de répéter, avec de nouveaux ſoins & de nouvelles précautions, la curieuſe & ingénieuſe expérience que M. Bouguer oſa tenter au Pérou en 1738. Afin de mieux comprendre ce qui a rapport aux opérations de M. Maskeline, il eſt à propos de rappeler ici que la diſtance d’une étoile au zénith dans le méridien, étant obſervée de deux différentes ſtations, ſur ce même méridien, l’une au midi, l’autre au nord de la montagne ; ſi le fil-à-plomb de l’inſtrument eſt attiré par cette montagne, hors de la vraie verticale, l’étoile paroîtra trop au nord par l’obſervation de la ſtation au midi, & trop au ſud par l’obſervation de la ſtation du nord. On trouvera en conſéquence, par ces obſervations, la différence de latitude des deux ſtations plus grande qu’elle ne l’eſt réellement. Or, ſi on détermine, par des meſures actuelles ſur le terrain, la diſtance entre les deux ſtations, on aura par-là la véritable différence de leur latitude ; & en déduiſant cette différence de celle que donnent les obſervations de l’étoile, on trouvera une quantité qui ſera le produit de l’attraction de la montagne, & dont la moitié ſera l’effet de cette attraction ſur le fil-à-plomb, dans chaque obſervation, en ſuppoſant que la montagne attire également des deux côtés.

Pour exécuter cette expérience, M. Maskeline choiſit la montagne appelée Schehallien, dans la province de Perth en Écoſſe, & dont la direction en longueur, eſt à peu-près eſt & oueſt. Il reſta pendant quatre mois dans une chetive cabane, ſur les flancs de cette froide montagne, & dans un climat peu favorable aux obſervations céleſtes.

Cette montagne eſt élevée, dans ſa partie la plus haute, de 3 550 pieds au-deſſus du niveau de la mer, & d’environ 200 pieds au-deſſus de la vallée qui l’environne. Comme ſa plus grande attraction devoit ſe trouver dans le milieu de ſa hauteur, qui eſt heureuſement aſſez rapide, on établit deux ſtations pour un obſervatoire, l’une dans la partie nord de la montagne, l’autre dans la partie ſud. L’instrument avec lequel M. Maskeline obſerva les étoiles, étoit un excellent ſecteur de M. Siſſon. On peut voir, dans ſes obſervations faites ſur la montagne Schehallien pour trouver ſon attraction : (Tranſactions philoſophiques, année 1775, tom II) toutes les précautions qu’il a priſes, & pour bien

placer