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agitation ; tandis que dans celle du 27, on voyoit dans tous les jets de flamme, qui étoient nombreux, une grande agitation, de grands mouvemens d’ondulation qui formoient un des beaux ſpectacles que j’aie jamais vus, quoique j’aie obſervé un grand nombre de phénomènes de ce genre.

Le 22 octobre 1788, je vis, à Béziers, une aurore boréale, depuis neuf heures jusqu’à neuf heures trois quarts : elle ne préſentoit rien de remarquable. Dans la nuit du 14 au 15 novembre 1789, l’aurore boréale dura depuis dix heures juſqu’à quatre heures & demie du matin ; de même dans la nuit du 15 au 16 ; mais cette dernière fut moins longue & moins belle que celle de la veille.

Le 26 septembre 1789, M. l’abbé Hervieu, profeſſeur de philoſophie à Falaiſe, apperçut dans cette ville une très-belle aurore boréale. Ce jour avoit été très-chaud pour la ſaiſon, & depuis près de 15 jours le temps étoit au beau. Sur les huit heures & demie, il vit vers le nord des nuages légers & confus, dont les bords ſur-tout brilloient d’une lumière pâle ; il n’y avoit pas d’autres nuages que ceux dont on vient de parler & qui formoient un ſegment conſidérable au nord. Pendant environ un quart-d’heure, ces nuages changèrent pluſieurs fois de forme & de couleur. Les bords diminuoient de vivacité & le fond obſcur s’éclairoit d’une lumière blanchâtre, de ſorte que la couleur du ſegment entier devenoit à-peu-près une forme ; l’inſtant d’après reparoiſſoient des groupes de nuages ſemblables aux précédens qui, comme eux, s’allumoient, pour ainſi dire, & s’éteignoient par nuances preſqu’imperceptibles. Tout-à-coup parurent cinq belles colonnes lumineuſes, divergentes entr’elles. La plus occidentale alloit du nord au midi ; la direction des autres se rapprochoit de l’eſt. Une ſixième colonne parut en même-temps au nord-eſt ; ſa direction étoit du nord au midi. Toutes ces colonnes, excepté la plus-occidentale, ne tardèrent pas à diminuer d’éclat, & enfin à disparaître entièrement. Celle-ci augmenta prodigieuſement, & prit une couleur de feu. Les nuages dont on a parlé, & qui formoient un ſegment vers le nord, diſparurent lors de l’apparition des colonnes radieuses ; une de ces colonnes ſubſiſtoit encore, lorſque des nuages ſemblables aux précédens furent le prélude d’une ſcène nouvelle.

Des jets de lumière partirent de leur ſein dans tous les ſens ; un limbe brillant ſe forma, une portion parut s’en détacher avec effort, & s’élança avec impétuoſité vers le midi. Son éclat s’accrut beaucoup dans le mouvement ; elle produiſit une lumière vive & paſſagère comme celle de l’éclair, mais un peu plus foible, & diſparut. Auſſitôt tout le nuage ſembla s’agiter ; de tous ſes points jailliſſoient de ſemblables flots de lumière, & ils ſe preſſoient avec une telle rapidité, qu’on ne ſavoit de quel eôté porter les regards ; les nuages ne tardèrent pas à être conſumés de cette manière, & bientôt il ne reſta dans le ciel aucune trace de ce qui venoit de s’y paſſer.

Quelque temps après, deux nouvelles repriſes s’annoncèrent comme les précédentes & leur furent aſſez ſemblables, & il eſt conſéquemment inutile de les décrire. Dans la cinquième & dernière, l’obſervateur aperçut des creneaux blancs en aſſez grand nombre, dont les baſes étoient appuyées ſur un nuage de même couleur : la diſtance qui ſe trouvoit entre leurs ſommets étoit remplie par des taches noires provenant uniquement, à ce qu’il ſembloit, de ce que ces endroits n’étoient pas éclairés comme les voiſins. Ces creneaux étoient diſpoſés dans un certain ordre, & leur enſemble préſentoit un ſegment elliptique, dont le petit axe, dirigé de l’orient à l’occident, avoit environ 40 degrés. Tout cet appareil s’avança vers le midi avec un mouvement majeſtueux, ſans qu’on y remarquât de variation conſidérable pendant quelque temps ; mais lorſqu’il fut arrivé à-peu-près à l’étoile polaire, des flots de lumière jaillirent de la partie antérieure & s’élancèrent vers le midi ; de pareils éclairs partirent des côtés qui regardoient l’eſt & l’oueſt, & ſe dirigèrent vers ces points du ciel. Toute cette maſſe brillante continuoit toujours de s’avancer vers le midi ; & ſon amplitude augmentoit prodigieuſement : un eſpace elliptique, d’abord aſſez petit, ſe nettoya, pour ainſi dire, au milieu de ce nuage ; une bande brillante qui lançoit ſans interruption des éclairs auſſi vifs qu’ils pouvoient l’être ſans offenſer la vue, le circonſcrivoit de tous côtés. Chaque vibration ſembloit le reculer avec effort dans tous les ſens & agrandir l’eſpace net dont on vient de parler. Cette ſcène peut avoir duré dix à douze minutes dans la plus grande beauté ; après quoi les éclairs diminuèrent de vivacité, la partie méridionale de la bande brillante parut ſe conſumer & ſe diſſiper par degrés ; quelques traits de lumière s’élançoient encore du nord, mais plus rarement & plus foiblement juſqu’à ce que le nuage fût entièrement évanoui.

Afin que nos lecteurs aient une notion plus diſtincte de ce phénomène, & qu’une multiplicité d’obſervations différentes ne jette pas de la confuſion dans l’eſprit de quelques-uns d’eux, nous allons rapporter un tableau général de l’aurore boréale qui contiendra les principales circonſtances qu’on y a remarquées.

Dans la région de l’air, qui eſt directement vers le nord, ou qui s’étend du nord vers l’orient, ou vers l’occident, paroît d’abord une nuée horiſontale qui s’élève de quelques degrés, mais rarement de plus de 40 au-deſſus de l’horiſon. Cette nuée eſt quelquefois ſéparée de l’horiſon, & alors on voit entre-deux le ciel bleu & fort clair. La nuée occupe en longueur une partie de l’horiſon, quelque-