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AUR

dans la région la plus froide au-deſſus de la terre, ſi le froid diminue le feu commun, il ne diminue pas le feu électrique, ces vapeurs réunies ou ces nuages de mer, qui ſont électriques, pouſſés par les vents, déchargent ſouvent leur électricité contre des nuages de terre ou contre des montagnes ; mais laiſſons-le continuer. « Comme les courans d’air chargé de nuages ſuivent des routes différentes, il eſt aiſé de concevoir comment les nuages paſſants l’un ſur l’autre peuvent s’attirer réciproquement & ainſi s’approcher ſuffiſamment pour le choc électrique ; & de même, comment les nuages électriques peuvent être emportés ſur les terres loin de la mer, avant que d’avoir aucune occaſion de frapper ».

« Lorſque l’air chargé de ſes vapeurs élevées de l’océan entre les tropiques, vient à deſcendre dans les régions polaires & atteindre les vapeurs qui y ſont élevées, le feu électrique qu’elles portent commence à être communiqué, & ſe fait apercevoir dans de belles nuits, étant d’abord viſible là où il commence à être en mouvement, c’eſt-à-dire, où le contact commence, & par tant dans les régions les plus ſeptentrionales : delà vient que les courans de la lumière ſemblent s’élancer au ſud, même juſqu’au zénith des contrées ſeptentrionales. Mais quoique la lumière paroiſſe s’élancer du nord au midi, le progrès du feu eſt réellement du midi au nord ; ſon mouvement commençant dans le nord, voilà pourquoi il eſt d’abord aperçu. »

« Car le feu électrique n’eſt jamais viſible que quand il eſt en mouvement, & qu’il ſaute de corps en corps, ou de parcelle en parcelle au travers de l’air ; lorſqu’il traverſe des corps denſes, il eſt inviſible. Comme lorſqu’on ouvre à l’une de ſes extrémités un long canal rempli d’eau pour le vider, le mouvement de l’eau commence d’abord auprès de l’extrémité ouverte, & continue vers l’extrémité fermée, quoique l’eau elle-même avance de l’extrémité fermée vers l’extrémité ouverte : ainſi le feu electrique déchargé dans les régions polaires, peut être ſur une longueur de mille lieues d’air en vapeurs, paroît d’abord où il eſt en mouvement, c’eſt-à-dire dans les parties les plus ſeptentrionales, & l’apparition s’élance du côté du midi, quoique le feu avance réellement du côté du ſeptentrion : ceci pourroît paſſer pour une explication de l’aurore boréale ».

Il ſeroit inutile de s’arrêter à réfuter une idée qui n’eſt propoſée par son auteur que comme une suppoſition, & on n’a pu s’empêcher de remarquer qu’elle n’eſt appuyée que ſur des principes précaires. Ce ſont des nuages de mer électriques ; parce que dans la mer il y a du sel agité ou frotté ; ces vapeurs s’élèvent entre les tropiques ſeulement, elles emportent avec elles le feu électrique ; celui-ci après s’être beaucoup élevé retombe vers les régions polaires, deſcend & ne brille précisément que là ; çe n’eſt ni en montant ni en s’étendant de l’équateur au pôle, c’eſt en deſcendant du pôle que la lumière de ce feu devient viſible, précisément par le beſoin du ſyſtême. D’ailleurs il n’explique aucuns des phénomènes de l’aurore boréale, ni le ſegment obſcur, ni l’arc lumineux &c. auſſi preſque perſonne n’a-t-il adopté cette conjecture.

8o. M. Canton, à la fin d’un mémoire relatif aux corps plongés dans des atmoſphères électriques, lu à la Société royale de Londres, le 6 décembre 1753 fait deux queſtions : l’air raréfié tout-à-coup ne peut-il pas donner du feu électrique aux nuages & aux vapeurs qui le traverſent, & réciproquement en recevoir d’eux lorſqu’il eſt condensé tout-à-coup ? l’aurore boréale n’eſt-elle point l’élancement du feu électrique des nuages électriſés poſitivement ſur les nuages électriſés négativement, à une grande diſtance, au travers de la partie ſupérieure de l’atmoſphère où la réſiſtance eſt moindre ?

Pluſieurs autres phyſiciens modernes ont également dit que l’électricité qui règne de temps en temps dans les nuages étoit la cauſe de l’aurore boréale, & que toutes les apparences, obſervées ordinairement dans ce phénomène, réſultoient des corruſcations, des étincelles, & des jets électriques qui ſortoient du ſein des nuées ; d’autres ont penſé que c’étoit une émanation du fluide électrique, renfermé dans le ſein de la terre, dirigés à-peu-près par les pôles magnétiques de notre globe, & vers les parties où il y a plus de minèraux, d’où elle s’échappe & s’élève enſuite.

Mais ces diverſes opinions ſont inſoutenables, parce qu’il eſt démontré, 1o. que le ſiége des aurores boréales, eſt de beaucoup ſupérieur à la région des nuées, celles-ci ne s’élèvent qu’à demie-lieu, ou tout au plus à une lieue au-deſſus de la ſurface de la terre, tandis que les aurores boréales ſont environ à deux cents lieues de hauteur. 2o. On devroit appercevoir un changement notable dans la température de l’atmoſphère pendant le temps des aurores boréales, comme on le remarque dans le temps des orages & des tonnerres qui ſont inconteſtablement des effets de l’électricité aérienne ; cependant les obſervations météorologiques qu’on a faites juſqu’à préſent, prouvent le contraire. 3o. Le premier défaut d’une explication eſt de ne pas expliquer ; or, dans les opinions différentes que nous réfutons ici, on ne peut concevoir d’une manière claire & préciſe les circonſtances eſſentielles qui accompagnent ou plutôt qui caractériſent ce phénomène, telles que l’arc lumineux & circulaire, le ſegment obſcur concentrique, les jets de lumière & les rayons brillans qui ne ſont point momentanés & fugitifs, comme l’éclair du tonnerre & le trait ſerpentant de la foudre ; mais qui paroiſſent conſtamment pendant un temps conſidérable ; cette couleur pâle & phoſphorique ; cette direction ordinaire vers le pôle  ; cette apparition fréquente vers cette partie du ciel, &c. &c.