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BAC
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BACON (François), baron de Verulam, naquit à Londres, en 1561, & annonça de bonne heure ce qu’il devoit être ; on remarqua en lui toutes les qualités néceſſaires pour réformer la philoſophie péripatéticienne qui régnoit de ſon temps ; elle ne lui parut que vuide de choſes, & pleine de mots & de vaines ſubtilités. À un génie actif, étendu & pénétrant, il joignit l’application à l’étude, & la fréquentation de tous les gens de lettres de ſon ſiècle. Fermant les yeux ſur ſon ingratitude envers ſes bienfaiteurs (le comte d’Eſſex), ſur ſes baſſeſſes & ſa flatterie auprès des miniſtres & de ſes ſouverains, par le moyen deſquelles il réunit les titres de chancelier & de garde des ſceaux en 1617 ; ſur ſa cupidité, fermant les yeux ſur cette indigne conduite, nous ne le conſidérerons que loin des orages de la cour & des agitations du miniſtère, dans la retraite où il ne penſa plus qu’à ſe conſoler de ſes malheurs par la lecture & la compoſition : ce fut alors que parurent ſes plus célèbres ouvrages, qui ſont : de la dignité & de l’accroiſſement des connoiſſances humaines ; ſon nouvel organe des ſciences, qu’on peut regarder comme une ſuite du premier ; cet ouvrage qu’il l’a fait nommer le père de la phyſique expérimentale, eſt un recueil d’idées neuves, juſtes & grandes ſur tout ce qui peut contribuer à perfectionner la phyſique. Si ſes ouvrages, dit d’Alembert, ſont juſtement eſtimés, ils ſont pourtant plus eſtimés qu’ils ne ſont connus, & ils méritent encore plus notre lecture que nos éloges. À conſidérer les vues ſaines & étendues de ce grand homme, la multitude d’objets ſur leſquels ſon eſprit s’eſt porté, la hardieſſe de ſon ſtyle qui réunit par-tout les plus ſublimes images avec la préciſion la plus rigoureuſe, on ſeroit tenté de le regarder comme le plus grand, le plus universel, & le plus éloquent des philoſophes. Bacon, né dans le ſein de la nuit la plus profonde, ſentit que la philoſophie n’étoit pas encore, quoique bien des gens ſans doute ſe flattaſſent d’y exceller ; car plus un ſiècle eſt groſſier, plus il ſe croit inſtruit de tout ce qu’il peut ſavoir. Il commença donc par enviſager d’une vue générale les divers objets de toutes les ſciences naturelles ; il partagea ces ſciences en différentes branches, dont il fit l’énumération la plus exacte qu’il lui fut poſſible : il examina ce que l’on ſavoit déjà ſur chacun de ces objets, & fit le catalogue immenſe de ce qui reſtoit à découvrir. Dans cette production il raſſemble des expériences, il en indique un grand nombre à faire ; il invite les ſavans à étudier & à perfectionner les arts, qu’il regarde comme la partie la plus relevée & la plus eſſentielle de la ſcience humaine : il expoſe avec une ſimplicité noble ſes conjectures & ſes penſées ſur les différens objets dignes d’intéreſſer les hommes ; & il eût pu dire comme ce vieillard de Térence, que rien de ce qui touche l’humanité ne lui étoit étranger. Science de la nature, morale, politique, économique, tout ſemble avoir été du reſſort de cet eſprit lumineux & profond ; & l’on ne ſait ce qu’on doit le plus admirer, ou des richeſſes qu’il répand ſur tous les ſujets qu’il traite, ou de la dignité avec laquelle il en parle. Ses écrits ne peuvent être mieux comparés qu’à ceux d’Hippocrate ſur la médecine ; & ils ne ſeroient ni moins admirés, ni moins lus, ſi la culture de l’eſprit étoit auſſi chère au genre humain que la conſervation de ſa ſanté. Mais il n’y a que les chefs de ſecte en tout genre dont les ouvrages, puiſſent avoir un certain éclat. Bacon n’a pas été du nombre, & la forme de ſa philoſophie s’y oppoſoit. Elle étoit trop ſage pour étonner perſonne ; la ſcolaſtique qui dominoit de ſon temps, ne pouvoit être renverſée que par des opinions hardies & nouvelles ; & il n’y a pas d’apparence qu’un philoſophe, qui ſe contente de dire aux hommes, voilà le peu que vous avez appris, voici ce qui vous reſte à chercher, ſoit deſtiné à faire beaucoup de bruit parmi ſes contemporains.

Dans ſon ſyſtême général des connoiſſances humaines, le chancelier Bacon diviſe la ſcience humaine en hiſtoire, poëſie & philoſophie, ſelon les trois facultés de l’entendement, mémoire, imagination, raiſon.

L’hiſtoire ſe diſtribue, en naturelle & civile ; la poëſie en narrative, dramatique & parabolique ; la philoſophie en ſcience de Dieu, ſcience de la nature & ſcience de l’homme.

BACON. Roger Bacon naquit en Angleterre, dans un village du comté de Sommerſet, en 1214, & donna dès ſes premières années des marques d’une grande ſagacité ; ſentant que pour faire des progrès dans les ſciences, il falloit joindre l’expérience au raiſonnement, il s’appliqua à la phyſique & aux mathématiques dans leſquelles il fit des découvertes qui étonnèrent ſes contemporains. Afin de ſe livrer entièrement aux ſciences, après avoir étudié quelque temps dans l’univerſité de Paris, il entra dans l’ordre de S. François, mais il fut bien éloigné d’y trouver la tranquillité qu’il avoit eſpérée. Les bonnes gens de ſon temps l’accuſèrent d’être ſorcier. Son général le fit enfermer, & il fallut que Bacon, pour recouvrer ſa liberté, prouvât qu’il n’avoit point de commerce avec le diable.

Malgré les perſécutions qu’il ſouffrit, Bacon compoſa pluſieurs ouvrages très-eſtimables qui lui firent donner de ſon temps le titre d’Admirable. Un des principaux eſt celui qui eſt intitulé : ſpecula mathematica & perſpectiva, dans lequel il tâcha de réſoudre les mêmes problèmes qui avoient occupé Alhazen, ſur les foyers des verres & des miroirs ſphériques, & ajouta de belles réflexions ſur la lumière des aſtres, ſur la grandeur apparente des objets, ſur la groſſeur extraordinaire du ſoleil & de la lune à l’horiſon, & enfin ſur la rondeur de l’image du ſoleil paſſant par une ouverture