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BAG
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être de la même cauſe qui fait pencher en bas les branches des arbres plantés le long des eaux. L’eau leur envoie des parties aqueuses qui chaſſent l’air, pénétrent les branches, les chargent, les affaiſſent joignent leur excès de péſanteur au poids de l’air ſupérieur, & les rendent enfin autant qu’il ſe peut, parallèles aux petites colonnes de vapeurs qui s’élèvent. Ces mêmes vapeurs pénètrent la baguette & la font pencher. Tout cela eſt purement conjectural. Une tranſpiration de corpuſcules abondans, groſſiers, ſortis des mains & du corps, & pouſſés rapidement, peut rompre, écarter le volume, ou la colonne des vapeurs qui s’élèvent de la ſource, ou tellement boucher les pores & les fibres de la baguette, qu’elle ſoit inacceſſible aux vapeurs ; & ſans l’action des vapeurs la baguette ne dira rien : d’où il ſemble que l’épreuve de la baguette doit ſe faire ſur-tout le matin, parce qu’alors la vapeur n’ayant point été enlevée, elle eſt plus abondante. C’eſt peut-être auſſi pour cette raiſon que la baguette n’a pas le même effet dans toutes les mains, ni toujours dans la même main. Mais cette circonſtance rend fort douteux tout ce qu’on raconte des vertus de la baguette ».

La ſeule réflexion judicieuſe qu’il y ait dans cette prétendue explication eſt celle qui la termine ; il falloit même la rendre d’une manière plus marquée, en diſant expreſſément que l’opinion populaire ſur les vertus de la baguette eſt entièrement erronée, & qu’il eſt inutile, pour ne rien dire de plus, de vouloir expliquer un fait dont l’exiſtence n’eſt point conſtatée, ou plutôt dont l’exiſtence eſt démontrée fauſſe par les raiſons les plus ſolides. Le fait de la baguette divinatoire rappelle celui de la dent d’or. On s’épuiſa, auſſi-tôt qu’il fut connu, en vaines conjectures & en explications prétendues ſavantes ; on compoſa des volumes ſans nombre ſur ce ſujet ; mais enfin un phyſicien plus judicieux que tous les ſavans en us qui avoient fait tant & de ſi longues diſſertations, examina lui même la dent d’or qu’un enfant, diſoit-on, avoit apporté en naiſſant, & il découvrit auſſi-tôt que c’étoit le ſimple effet d’une ſupercherie, & qu’un fourbe, pour exciter la curioſité du peuple & gagner de l’argent, avoit appliqué une feuille d’or ſur cette dent. Ainſi croulèrent & s’évanouirent toutes ces explications abſurdes qu’on avoit données avec tant de ſatisfaction.

Preſque tous ceux qui font tourner la baguette ſerrent fortement dans leurs mains chaque extrémité du rameau fourchu ; il en eſt de même de la baguette ordinaire qui n’eſt point fourchue, & qu’on a ſoin de courber un peu en arc. Mais il eſt impoſſible qu’une baguette qu’on ſerre fortement par les deux extrémités, puiſſe tourner par l’impulſion des vapeurs ou par celle de la matière du milieu, qui revient ſur la tige appéſantie, ou par celle de toute autre ſubſtance aſſez ſubtile pour échapper à l’action des ſens : aucune explication, je ne dis pas plauſible, mais tant ſoit peu intelligible, ne peut être donnée du mouvement giratoire de la baguette, qui eſt impoſſible ſelon tous les principes de la phyſique, & il ne faut que la plus légère teinte du ſens commun pour en être fortement convaincu. Quand même on ſuppoſeroit que la baguette librement ſuſpendue en équilibre, l’impulſion des vapeurs ne ſeroit jamais ſuffiſante pour produire un mouvement circulaire dans cette baguette, moins encore un mouvement très-rapide, tel qu’on le voit dans celles qui ſont entre les mains de ces impoſteurs qui paſſent pour avoir Ie don de faire tourner la baguette & de découvrir les ſources, les mines & les choſes cachées.

Le mouvement de la baguette n’est donc que l’effet d’un tour de main de quelques charlatans, & dont l’habileté dans ce jeu eſt en raiſon de l’habitude qu’ils ont. Ce qui le prouve, c’eſt qu’en les obſervant attentivement, on remarque que tout dépend d’un tour de poignet preſque inſenſible ; c’eſt que la forme de la baguette, ſa poſition, le mouvement des muſcles rendent très-aiſé le mouvement de la baguette, & qu’un peu d’exercice ſuffit pour acquérir l’adreſſe néceſſaire, ainſi que tout le monde peut s’en convaincre, ſoit en employant la baguette fourchue, ſoit celle qui n’eſt qu’un peu arquée.

Envain diroit-on que par le moyen de la baguette on découvre des ſources cachées, ce qui n’auroit pas lieu ſi ce mouvement n’étoit que l’effet de la ſupercherie ; car rien n’eſt plus aiſé que de connoître les ſources par des moyens naturels, & de faire enſuite tourner la baguette ſeulement ſur les lieux où on a reconnu qu’il y avoit de l’eau ſous terre, afin de perſuader à ceux qui ſont crédules, que le mouvement de la baguette eſt un ſigne indicateur des ſources. Voici les principaux moyens naturels pour découvrir les endroits dans leſquels on peut trouver de l’eau en creuſant. Ils ſont ſimples & faciles, & l’expérience les a confirmés depuis long-temps.

1o. Si, avant le lever du ſoleil, on ſe couche le ventre contre la ſurface de la terre, on apperçoit de petites maſſes de vapeurs s’élever en quelques endroits ; on peut être ſûr qu’en y creuſant on trouvera de l’eau. La fin de l’été eſt plus propre à cette épreuve que les autres ſaiſons.

2o. On peut être aſſuré qu’il y a de l’eau au-deſſous des endroits où l’on apperçoit aſſez conſtamment des nuées de petits inſectes qui voltigent.

3o. Lorſqu’on apperçoit dans certains endroits des touffes de plantes qui aiment l’humidité, telles que le lierre terreſtre, l’argentine, le perſil des marais, le beaume ſauvage, des joncs, des roſeaux, la garence, la cataire (mentha cataria) ou ſi on remarque que les plantes quelles qu’elles ſoient