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On ne dira rien de ce grand nombre de voyages aéroſtatiques qu’a fait M. Blanchard ; ils ſe montent au moins à trente-ſix. On a reproché à ce voyageur de s’être donné, comme un ſaltimbanque, en ſpectacle ; de n’avoir paru chercher que des ſpéculations lucratives dans toutes ſes opérations, & de n’avoir jamais fait faire un pas à la ſcience, en ſe bornant toujours à des manipulations routinières conſtamment les mèmes, malgré tant de belles occaſions qui ſe préſentoient de faire des découvertes ; d’avoir, dans ſes récits, rapporté des obſervations difficiles, au moins, à concilier avec les principes connus de la Phyſique ; mais il y a trop de ſévérité dans cette critique ; on ne doit point oublier ſon intrépidité, toujours ſoutenue, ni le paſſage de la mer qu’il exécuta avec ſuccès à ſon retour en France avec le docteur Jefferies, le 7 janvier 1785 ; ce paſſage étoit à la vérité bien plus aiſé que celui de France en Angleterre, puiſque dans le premier cas, on ſe dirige d’un point vers un grand continent (c’eſt le contraire dans le ſecond) ; néanmoins il y a toujours des dangers, celui d’être ſubmergé, par exemple ; on peut cependant y remédier, comme on va le voir.

M. de Croſbie s’éleva de Dublin, le 19 juillet 1785, par le moyen d’un aéroſtat à gaz inflammable, dont les bords de la gondole étoient garnis de veſſie, afin de la rendre inſubmergible. Son élévation ayant été trop grande, il tira, pour y remédier, le cordon de la ſoupape, qui, n’ayant pû ſe refermer, laiſſa échapper une trop grande quantité de gaz, d’où réſulta une chute dans la mer avec une précipitation très-rapide. Heureuſement que la gondole, quoique remplie d’eau, reſta ſoutenue ſur la ſurface de la mer, par les veſſies dont ſes bords étoient garnis.

II. La découverte des aéroſtats appartient à MM. de Montgolfier. Quelques écrivains anonymes, mais en très-petit nombre, ont voulu trouver dans les anciens des traces de la découverte des aéroſtats ; on verra avec quel ſuccès. Dédale, pourſuivi par Minos, roi de Crète, obligé de ſe cacher dans le labyrinthe qu’il avoit conſtruit, conçut le deſſein de voler dans l’air ; Diodore de Sicile aſſure qu’il traversa la mer, autrefois appelée Critique, & qu’il vint aborder en Sicile, &c. Ce Dédale étoit très-habile, car ſelon Platon (dans le Menon & dans l’Entyphron), il avoit fait des ſtatues qui s’enfuyaient avec vitesse, lorſqu’elles n’étaient pas retenues avec de forts liens ; & ſuivant Homère, il avoit conſtruit avec Vulcain des trepieds qui paroiſſoient animés d’une fureur divine, & qui s’élançaient les uns contre les autres. Archytas de Tarente, philoſophe platonicien, fit voler une colombe de bois.

Le père Lana, jéſuite de Breſcia, publia en 1670 un ouvrage italien, qui a pour titre : prodromo dell’arte maeſtra. Breſcia, 1670, nella ſtamperia dei Rizzardi, in-folio, avec des gravures. Ce livre eſt extrêmement rare ; on le trouve à la bibliothèque du roi. Dans le chapitre 6, on trouve le projet de conſtruction d’un navire qui devoit ſe ſoutenir & voyager dans l’air à voile & à rames. Les principaux agents de cette machine, conſiſtoient en quatre ſphères ou globes, dans leſquels le vide parfait devoit être produit. Leur diamètre étoit de 20 pieds ; leur ſuperficie, ſelon les calculs de l’auteur, de 1 232 pieds, & leur ſolide de 5 749 pieds . Mais outre que ces proportions ne ſont pas exactes, c’eſt que ſa manière d’opérer le vide eſt des plus défectueuſes ; car il exigeoit pour cela de remplir les ballons d’eau, de les vuider, & de fermer tout de ſuite le robinet par où l’eau devoit s’échapper. Enfin, le père Lana ne donnant à l’épaiſſeur de ſon cuivre que de ligne, rendoit l’exécution de ſes globes abſolument impoſſibles. Auſſi Leibnitz qui a commenté ce projet, conclut avec raiſon de l’exceſſive ténuité de cette enveloppe, que la choſe ne pouvoit pas avoir lieu ; quod fieri nequit.

Hooke & Borelli ont encore fortement critiqué ce projet, à cauſe de l’impoſſibilité de faire des globes d’une capacité auſſi conſidérable que celle qu’il leur donnoit, ſans que ces globes ne crevaſſent par la preſſion de l’atmoſphère.

Comme la gravure qui accompagne l’ouvrage dell’arte maeſtra, repréſente quatre ballons qui ſe ſoutiennent en l’air, & qui ſupportent, au moyen de cordages, un bateau avec une voile ; les perſonnes qui ont été à portée d’obſerver cette planchez ſans lire le texte, ſe ſont imaginés que MM. de Montgolfier n’ont fait que copier Lana ; mais leur découverte eſt bien différente réellement de l’idée de ce jéſite italien : la figure 123 repréſente la forme de ſon bateau.

Il y en a qui ont avancé que Roger Bacon avoit parlé le premier d’une machine pour voler, dans ſon traité de mirabili poteſtate artis & naturœ, &c. ; ſelon ce qu’il en dit dans cet ouvrage, cette machine portoit un ſiége dans lequel un homme étant placé, il pouvoit, par ſon action, ſe donner un mouvement progreſſif, & voler comme in oiſeau. Cet auteur n’explique pas comment ele ſe ſoutenoit en l’air, ou ſi cet effet réſultoit de l’action de l’homme. Quoiqu’il aſſure qu’une machine de ce genre avoit été faite & eſſayée avec ſuccès par une autre perſonne, il paroît certain qu’il a été induit en erreur par un faux témoignage. Voyez l’article Vol aérien.

On a prétendu que Borelli, dans ſon traité de volatii, du vol, avoit préludé à la découverte de MM. Montgolfier, mais ce ſavant ne dit point qu’il a imaginé, mais que quelques modernes ſe ſont imaginé qu’en imitant la manière dont les