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M. le comte de Milly frappé du danger qu’on court avec des aéroſtats, a cherché à les en garantir. On ne peut, ſelon lui, penſer ſans friſſonner que le feu de paille qu’on eſt obligé d’employer, peut détruire dans un inſtant la machine, lorſqu’on emploie l’air dilaté pour l’élever & la maintenir dans les airs ; & ſi on a recours à l’air inflammable, il croit qu’il ſeroit très-dangereux qu’un aéroſtat, rempli d’air inflammable, paſſât à portée d’un éclair qui s’élanceroit d’une nuée, la déperdition de l’air inflammable que fait un ballon devant former une atmoſphère autour du ballon. Nous verrons bientôt ce qu’il faut penſer de cette idée.

Perſuadé que le feu eſt le principe de toute volatilité, que l’eau même ſe vaporiſe par le feu, & devient plus légère que l’air, que tous les gaz poſſibles qui ſe ſoutiennent dans l’air, n’ont acquis une légéreté ſpécifique plus grande que ce fluide que par la préſence du feu, &c. il a préſumé que toutes les ſubſtances évaporiſables ſeroient très-propres à enlever des ballons aéroſtatiques, ſi on pouvoit aiſément leur donner & entretenir le degré de feu convenable, pour les maintenir dans l’état de vapeurs. L’alkali volatil lui a paru la ſubſtance la plus convenable par ſa volatilité naturelle ; mais comme il ſe condenſe avec facilité, il a propoſé, pour y remédier, l’emploi de pluſieurs lampions à mèches, nombreuſes & très-groſſes, qui produiroient une grande chaleur, en les alimentant avec de l’eſprit-de-vin, de l’huile ordinaire ou diſtillée ſur la chaux, ce qui rend l’huile graſſe ſi éthérée, qu’elle ſe diſſout entièrement dans l’eſprit de vin, à la manière des huiles eſſentielles. Les lampions doivent être des parallélogrammes, avec des couvercles à charnières qui ſerviroient à les éteindre à volonté, lorſque le cas le requerroit. Ces lampions ſeroient fixés ſur la table en les faiſant gliſſer dans des couliſſes qu’on y pratiqueroit avec des bandes de fer blanc ou de tôle ; & les couvercles à charnières des lampions ſe régiroient par le moyen de petites baguettes de fer qu’on y adapteroit & qui ſortiroit dehors du cylindre de toile, dans l’intérieur duquel ſeroient placés la table & les lampions.

Afin d’accélérer l’opération aéroſtatique & gonfler le ballon en peu de temps, on pourroit ſe ſervir de paille ; & lorſqu’il ſeroit prêt à s’élever on placeroit l’appareil des lampions. L’eſprit-de-vin ne donneroit aucune fumée, & fourniroit beaucoup de chaleur ; mais il ſeroit un peu disſpendieux ; l’huile ſeroit à meilleur marché, & l’on pourroit empêcher la fumée, ſoit par le moyen des mêches économiques, ſoit par celui des lampes à courant d’air. Les avantages de ces lampions s’apperçoivent facilement ; le feu eſt conſtamment le même, ſans qu’on ſoit obligé de l’alimenter à chaque inſtant ; on peut, par le moyen de réſervoirs communiquans qui rempliroit les lampions à meſure que l’huile ſe conſumeroit, s’affranchir de tout ſoin pour alimenter le feu, & de toute inquiétude ſur l’incendie des proviſions combuſtibles, & même ſur celle du ballon, parce que le feu des lampes ne donne pas, comme celui de la paille, des flammèches dangereuſes. De plus on peut être maître de ſa marche & de ſon aſcenſion, en allumant plus ou moins de mêches, ſuivant qu’on voudroit monter ou deſcendre.

Les expériences faites chez madame la comteſſe de Sabran par MM. Faujas & de Bullion ont prouvé la vérité de cette théorie ; car dans la première on a enlevé un ballon de 22 pieds de diamètre avec de l’huile & trois mêches de papier plus groſſes qu’il ne falloit, puiſqu’il partit avec une force à laquelle on ne s’attendoit pas, qui rompit les cordes, & déchira le ballon. M. de Bullion a rendu compte à l’Académie, le 17 janvier 1784, de ſes expériences aéroſtatiques avec une lampe alimentée par l’eſprit-de-vin, qui toutes ont eu beaucoup de ſuccès.

Dans ces ſortes d’opérations on doit ſe propoſer pour but de chercher les moyens d’augmenter l’intenſité de la chaleur & la vivacité de la flamme, ſans produire de la fumée que le moins poſſible, car c’eſt de la chaleur ſeule qu’on doit obtenir les effets aéroſtatiques les plus prodigieux, & la fumée refroidie pèſe beaucoup plus que l’air atmoſphérique, dans lequel elle nage, tandis qu’elle eſt chaude. Or pour cet effet il faut faire paſſer un courant d’air dans le milieu de la mêche, puiſqu’il y animera la flamme, comme le prouve l’effet du chalumeau d’émailleur, du ſoufflet, & de l’air dans les fourneaux à vent, qui fourniſſent ſans ceſſe un nouvel air vital, une des parties conſtituantes de l’air de l’atmoſphère. Ce courant joint à l’air qui entoure extérieurement la mêche, & qui ſe renouvelle ſans ceſſe par la chaleur qui le raréfie, doit augmenter l’intenſité du feu. En effet, ces deux actions réunies du même agent, produiront néceſſairement une flamme ſi vive & ſi active, que la chaleur ſera très-grande, & conſumera toutes les fuliginoſités ; par conſéquent il n’y aura aucune fumée. Telles ſont les lampes à courant d’air & à cheminée de verre, aujourd’hui ſi connues.

IV°. Des différentes eſpèces de globes aéroſtatiques. Il y a deux principales eſpèces d’aéroſtats ; ceux qui ſont remplis d’air raréfié par la chaleur ; & ceux qui contiennent du gaz inflammable (gaz hydrogène). On en a déjà traité avec une étendue ſuffisante. Mais il eſt à propos de dire quelques mots ſur diverſes eſpèces de conſtructions particulières qui ont été imaginées, & dont pluſieurs ont des avantages qui méritent l’attention.