Page:Encyclopédie méthodique - Physique, T1.djvu/525

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du globe ſont ſi curieux, ſi intéreſſans, ſi propres à reculer les bornes des Sciences par la comparaiſon des objets exotiques qu’ils nous offrent, pourrions-nous croire que ceux qu’on entreprendra au-deſſus de notre globe, & dans les vaſtes régions de l’atmoſphère, ne ſoient pas au moins auſſi inſtructifs, & capables de piquer notre curioſité. Oui, bientôt nous verrons de hardis navigateurs aériens, des Colombs, des Vaſco-de-Gama, des Bougainvilles, des Cooks, des Pagès, animés d’une noble ardeur, s’élancer dans les plaines des airs, & entreprendre, ſous les auſpices de la Phyſique & des Montgolfier, des voyages aéroſtatiques dans ces régions qui ſemblent interdites à l’homme, cet être de tous les êtres, le plus foible, mais auffi celui qu’on doit regarder comme le plus audacieux des habitans de la terre.

C’est principalement dans les airs, où nul obſtacle ne ſe fait ſentir, qu’on pourra faire avec la plus grande préciſion des expériences ſur le ſon. Celles que l’Académie des Sciences a faites pluſieurs fois, parce qu’elle en ſentoit l’importance, quoique très-bien exécutées ſur la terre, doivent le céder à celles que feront deux obſervateurs placés ſur deux globes aéroſtatiques, aux deux extrémités d’une baſe qui répondra à celle qu’on aura meſurée ſur la terre. M. Joſeph Montgolfier a prouvé, étant sur l’aéroſtat de Lyon à 1 438 toises d’élévation, que les autres voyageurs & lui avoient été obligé d’élever la voix plus que de coutume pour ſe faire entendre lorſqu’ils ſe parloient ; effet qui dépend du dégrés de raréfactions de l’air dans lequel les ſons s’éteignent plus ou moins. À une moindre hauteur ne pourroit-on pas examiner ſi les lois de la propagation des ſons ſouffrent quelque différence ? Dans les expériences faites par les Maraldi, les Lacaille, les Caſſini, &c., la ſurface de la terre, par tout raboteuſe, & peu propre à la tranſmiſſion des ſons, a dû retarder par la multiplicité des obſtacles dont elle eſt hériſſée, la propagation du ſon, ce qui nous a empêché de connoître juſqu’à préſent ſa vraie vîteſſe. On verra ſi le son grave, aigu, fort ou foible, ſe tranſmet uniformément avec la même vîteſſe ; s’il parcourt conſtamment 173 toiſes par ſeconde, ou ſi dans un air plus dégagé de vapeurs, cette vîteſſe deviendra plus conſidérable ; ſi le reſſort de l’air ſera plus grand, & les ſons plus éclatans. Ces expériences ſeront faites avec des porte-voix, des cors de chaſſe, des clairons, des piſtolets, des fuſils, &c. On pourra faire de nouvelles expériences ſur le reſſort de l’air, en tranſportant une fontaine de compreſſion, un fuſil à vent, ou d’autres inſtrumens de ce genre, en les chargeant d’air, qu’on condenſera étant ſur le globe aéroſtatique, & qu’on mettra enſuite en expérience sur la terre. En comparant les réſultats du même inſtrument avec ceux que donneront d’autres inſtrumens égaux, qui auront été chargés avec de l’air pris à la ſurface de la terre, on connoîtra alors, par voie d’expérience, ſi les jets d’eau & les balles ſeront lancés à des diſtances plus ou moins grandes ; & ces connoiſſances nouvelles quelles qu’elles ſoient, confirmeront les idées déjà reçues, ou les rectifieront.

Les obſervateurs placés ſur le globe aéroſtatique pourront connoître facilement la direction des vents, en prenant l’angle de la route qu’ils tiennent avec celle de l’aiguille d’une bouſſole ; ils connoîtront également la vîteſſe du vent, par la diminution apparente des objets connus. De petits anémomètres de diverſes ſortes, placés ſur des aéroſtats, pourront encore dans l’inſtant où les vents changeront, ſervir à connoître leur nouvelle direction ; l’intenſité qu’ils acquerront alors, & leurs autres qualités, pourront être également eſtimées par divers moyens faciles à mettre en exécution. On ſait que le vent qui règne ſur la terre, eſt bien différent de celui qui a lieu dans la moyenne région, & celui-ci ſouvent oppoſé encore à celui de la région ſupérieure. On pourra donc faire les expériences que je viens de déſigner, d’abord ſur la terre, enſuite raz-de-terre, après dans l’air à différentes hauteurs, où le vent éprouvant moins d’obſtacle que ſur la ſurface de la terre, toute hériſſée de rochers, de forêts, de maisons, &c., doit avoir une plus grande vîteſſe.

S’il eſt quelque partie de la Phyſique qui ait droit d’attendre quelque ſecours particulier des aéroſtats, c’eſt ſur-tout celle qui traite de l’électricité naturelle, objet non moins utile que brillant. Pour réuſſir à faire des expériences de ce genre, nous n’avons que quelques moyens ; ce ſont les grands conducteurs iſolés, les fuſées & les cerfs-volans électriques. Les premiers ne s’élèvent qu’à très-peu de diſtance de la ſurface de la terre ; les ſeconds ſont difficiles à employer & ne s’élèvent jamais bien haut ; les troiſièmes dépendent du vent, qui ne règne pas toujours, & réuniſſent encore les défauts précédens ; de ſorte que ſouvent l’électricité eſt très-forte dans les hautes régions de l’air, ſans que nous puiſſions être aſſurés de ſon exiſtence par des preuves de fait, c’eſt-à-dire, par des obſervations directes.

C’eſt par le ſecours ſeuls des aéroſtats que nous viendrons à bout d’aller ſoutirer le fluide électrique juſques dans les hautes régions de l’atmoſphère, où aucun autre inſtrument ne peut être lancé. J’ai été le premier à annoncer cet avantage à mon retour de Paris, comme peuvent l’atteſter MM. de Montgolfier, pendant notre commun ſéjour à Lyon, & avant que l’un d’eux allât dans la capitale pour y faire l’expérience de la ſuperbe découverte qui les a immortaliſés.