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méritoit pas l’eſpèce de célébrité que lui donna pendant quelque temps l’air de myſtère dont on chercha à l’envelopper.

M. Lemonnier employa, pour réuſſir, un moyen inverſe de celui dont on vient de parler. Il mit à deux ou trois pouces de diſtance des cheveux de la perſonne iſolée & électriſée, un cercle de métal entourée d’un linge, & encore ne tira-t-il que des aigrettes électriques qui s’élevoient du front, en cornes de lumière, comme celles qu’on repréſente ſur la tête de Moïſe, lorſqu’il reçut les tables de la loi.

J’ai réuni ces deux moyens ; j’ai placé ſur la tête de la perſonne iſolée une couronne métallique armée de pointes obtuſes, plus propres que celles qui ſont aiguës à faire paroître de belles aigrettes électriques. Ce cercle a été inſcrit dans un autre plus grand, enveloppé d’une bande d’étoffe de laine, à quelques pouces de diſtance des pointes : ce cercle circonſcrivant le premier détermine plus facilement l’apparition des pointes.

BEL

BELIER. C’eſt une machine dont les anciens ſe ſervoient pour abattre les murs des villes aſſiégées & renverſer même les fortifications dont elles étoient défendues ; le belier étoit une groſſe poutre ferrée par le bout en forme de tête de belier. Il étoit ordinairement ſuſpendu par des cables ou des chaînes (quelquefois la machine étoit ſur des rouleaux), & à force de bras on le pouſſoit à pluſieurs repriſes contre l’obſtacle qu’on ſe propoſoit d’abattre. On faiſoit jouer cette machine ſous une galerie nommée tortue, ou dans une tour de bois deſtinée à cet effet. Voyez Juſte-Lipſe, L. 3.

Il paroît que l’invention du belier est due à l’imitation de la manœuvre de l’animal qui porte ce nom. Cet animal fait d’abord avec ſa tête un effort pour pouſſer l’obſtacle qu’il rencontre, il continue par une ſeconde tentative ; & enſuite par un coup ſubit de ſa tête, il éloigne l’obſtacle qui lui réſiſtoit trop auparavant : dans ce cas il ſe retire après ſi loin qu’il eſt en état d’accélérer ſon mouvement, par une courſe rapide. De cetle manière il donne un coup d’une très-grande force, & qui eſt le produit de la maſſe par une vîteſſe conſidérable. On remarquera que les cornes de cet animal ſont tellement fixées ſur ſa tête, qu’il ne reſſent aucune douleur par la ſecouſſe.

Le belier des anciens étoit une groſſe & longue poutre, armée par ſon bout d’une maſſe conſidérable de fer fondu, qui portoit, ſelon Vitruve, quatre bandes de fer longues de quatre pieds, par leſquels elle étoit attachée au bois. Cette machine, ſelon quelques-uns, du poids de quatre cent quatre-vingt mille livres, étoit miſe en équilibre par les chaînes & les cables dont nous avons parlé, qui ſupportoient tout le poids de cette maſſe ; de ſorte que la force des hommes qui faiſoient agir le belier étoit employée à faire mouvoir en avant cette machine. La force motrice lui imprimoit donc un mouvement accéléré dans une direction horiſontale, de la même manière que les corps qui tombent reçoivent une accélération de la gravité dans la direction verticale. Le belier des anciens recevant donc par degrés la force que les hommes lui communiquoient, la conſervant toute entière, & déployant enſuite, en un inſtant, au moment du choc, la ſomme de toutes les impulſions ſucceſſivement acquiſes, il n’eſt pas étonnant que le produit de cette maſſe par la vîteſſe ne fût très-conſidérable, & capable de renverſer de grands obſtacles, & d’abattre des murailles bien fortifiées ( Voyez l’article Dinamique, Méchanique, Statique, Mouvement,Quantité de mouvemens, &c).

Quelque grande que ſoit la force d’un belier, eu égard à ſa maſſe, comme on peut produire un effet égal ou plus grand avec une petite maſſe qui auroit une grande vîteſſe, on a, depuis l’invention de la poudre, abandonné cette machine dans l’art de la guerre, parce qu’ayant peu de vîteſſe, elle ne faiſoit pas plus d’effet qu’en fait aujourd’hui un petit boulet de canon, qui d’ailleurs eſt ſervi par trois ou quatre hommes, tandis qu’il en falloit un grand nombre pour faire agir le belier.

Suppoſons qu’un boulet de canon, peſant 36 livres, frappe une muraille en un point, il fera le même effet que le belier que nous ſuppoſons ici peſer 41 112 livres ; pourvu que ce boulet ſe meuve autant de fois plus vîte qu’il a moins de matière : en voici la preuve d’après Deſaguilliers. Si le belier (qu’on ſuppoſe être de grandeur moyenne) a 28 pouces de diamètre, 180 pieds de long, étant compoſé de pluſieurs pièces de bois, par exemple, de chêne, jointes enſemble, il contiendra 750 pieds cubiques de ce bois, qui à 50 livres, le pied cube, pèſera 37 500 livres : ſi la tête du belier qui eſt de fer fondu pèſe 3 360 livres, & les bandes de fer avec les clous 252 livres, & que la totalité du poids de cette machine ſoit 41 112 livres ſuſpendue à ſon centre de gravité ; & ſi 1 000 hommes ſont employés ſeulement à faire frapper contre un point d’une muraille, chaque homme donnera le mouvement à un poids de 41 livres. La quantité de mouvement produite par cette action, lorſque le belier se meut d’un pied par ſeconde, peut donc s’exprimer par le nombre 41 112. Or, cette force eſt égale à la quantité de mouvement d’un boulet de fer qui ſort du canon : donnons à ce boulet qui pèſe 36 livres, une vîteſſe de 1 141 pieds par ſeconde, ce qui eſt à-peu-près celle du ſon, on aura conſéquemment 41 112 pour exprimer la quantité de mouvement du boulet qui frappe en un point. Mais ſi après quelques coups