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ſéjour que le ſoleil fait ſur l’horiſon dans ces pays ſeptentrionaux, c’eſt qu’ils ſont remplis de lacs, de rivières, & même de ſources chaudes, d’où il ſort continuellement des vapeurs que l’épaiſſeur de l’air & ſa fraîcheur naturelle conſervent & réuniſſent à une certaine hauteur de l’atmoſphère, juſqu’à ce que les vents ſecs du Nord les tranſportent plus loin, & rendent l’air pur & le ciel brillant. En vain on lui a objecté qu’en certaines ſaiſons on trouve auſſi des brouillards épais & preſque continuels ſur la côte de Coromandel, dans les Philippines, & en diverſes contrées des Indes orientales, ce que l’on ne peut attribuer au long ſéjour du ſoleil ſur l’horizon, puiſque dans ces climats il n’y a pas beaucoup de différence pendant tout le cours de l’année, entre la longueur des jours & celle des nuits. Mais on peut répondre que les brouillards n’ont lieu dans les régions ſituées ſous la zone torride que dans la ſaiſon des pluies, lorſque les terres fortement humectées peuvent fournir une grande évaporation, d’autant mieux ſoutenue, que le ſol, par la chaleur habituelle dont il eſt pénétré, eſt toujours diſposé à une tranſpiration abondante ; le ſoleil qui y eſt alors perpendiculaire, même dans cette ſaiſon, où il eſt preſque toujours couvert, a une action bien plus forte que dans des pays qu’il ne frappe jamais qu’horiſontalement de ſes rayons, lors même qu’il ne ceſſe de les éclairer pendant une longue ſuite de jours.

On objecte encore que ſi la cauſe que M. de Maupertuis aſſigne aux brouillards de Laponie étoit bien réelle, il s’enſuivroit que dans le Spitzberg les brouillards devroient être d’une épaiſſeur extrême pendant que le ſoleil eſt à ſon plus haut point, & même durant tout l’été de ce climat, puiſque le ſoleil eſt continuellement ſur l’horiſon. Cependant l’expérience prouve le contraire, & Frédéric Martens obſerve, dans ſon Voyage au Spitzberg, que les pêcheurs de la baleine jouiſſent alors d’un temps clair & ſerein. Mais on peut dire que le Spitzberg a beaucoup moins d’eaux & de lacs que la Laponie, & que par conſéquent l’évaporation ne peut pas y être aſſez forte, ni l’atmoſphère auſſi chargée ; le ſol en eſt ordinairement ſec & pierreux, & il paroît encore que ce pays eſt plus ouvert aux vents du nord. D’ailleurs on n’en connoît pas l’intérieur, & on ne juge que des côtes, qui par-tout ſont plus ſujettes à être balayées par les vents, & à jouir d’un air plus pur & d’un ciel plus brillant. Figure de la terre, par Maupertuis, pag. 19 ; & Histoire naturelle de l’air, &c. pag. 182, &c.

L’évaporation n’eſt peut-être en aucun autre endroit du monde auſſi forte, auſſi continuelle, & auſſi remarquable qu’au grand banc de Terre-Neuve, dans la mer du Nord. Ce banc eſt une montagne cachée ſous les eaux à près de ſix cent lieues du côté de l’Occident. Dans ce parage l’air y eſt ordinairement couvert d’une brume froide & épaiſſe, qui fait connoître le banc à ſes approches. Le père Charlevoix, dans ſon journal hiſtorique, prétend que c’eſt du grand banc que viennent les brouillards dont l’île de Terre-Neuve eſt ordinairement couverte de ce côté, de même que le cap Raze, qui cependant en eſt éloigné de 3 lieues ; ajoutons que ſur les extrémités de ce banc les vents y ſont toujours impétueux & la mer agitée ; agitation qui concourt à faire élever les vapeurs.

Lorſque les brouillards ne contiennent pas d’exhalaiſons, mais ſeulement des vapeurs, c’eſt-à-dire, des molécules aqueuſes ; alors ils n’ont ni fétidité, ni âcreté ; ils ne ſont aucunement nuiſibles, mais bien plutôt ſalutaires. Après les avoir reſpirés, on ne ſent que cette douce fraîcheur que porte l’eau pure dans les corps qu’elle pénètre inſenſiblement ; ils ont à la longue les effets du bain ; ils donnent du ralâchement aux fibres, & plus de ſoupleſſe aux corps, en diminuant leur élaſticité. Tels ſont les brouillards de quelques plaines baſſes, traverſées par de grandes rivières, qui coulent ſur un ſable pur.

M. Deluc a obſervé que les brouillards font monter le thermomètre qu’on y expoſe, & qu’ils garantiſſent de la gelée. Il a encore remarqué que lorſque les brouillards ſont abondans, ils repoſent ſur la plaine, & y forment une couche de 50 à 60 toiſes d’épaiſſeur ; qu’en certaines circonſtances ils s’élèvent & obſcurciſſent la plaine comme le feroient des nuages ; mais cette couche ne s’élève guères plus de 300 toises, & l’air reſte ſerein au-deſſus. Si l’air ſe réchauffe par la ſeule action du ſoleil, les brouillards ſe diſſipent & l’air reſte ſerein ; mais ſi ce changement de température vient d’un vent du ſud ou de ſud-oueſt, les brouillards s’élèvent & forment des nuages. Cette aſcenſion eſt ordinairement un ſigne de pluie, & le baromètre baiſſe en même temps.

Le brouillard paroît plus ſenſiblement le ſoir & le matin. Voici pourquoi. Le soir, après que la terre a été échauffée par les rayons du ſoleil, l’air venant à ſe refroidir tout-à-coup après le coucher de cet aſtre, les particules terreſtres & aqueuſes, qui ont été échauffées, s’élèvent dans l’air ainſi refroidi, parce que dans leur état de raréfaction, elles ſont plus légères que l’air condenſé. Le matin, lorſque le ſoleil ſe lève, l’air ſe trouve échauffé par ſes rayons beaucoup plutôt que les exhalaiſons qui y ſont ſuſpendues, & comme ces exhalaiſons ſont alors d’une plus grande peſanteur ſpécifique que l’air, elles retombent vers la terre.

Le brouillard eſt plus fréquent en hiver qu’en aucun autre temps, parce que le froid de l’atmoſphère condenſe fort promptement les vapeurs & exhalaiſons. C’eſt par la même raiſon qu’en hiver l’haleine qui ſort de la bouche forme une eſpèce de