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ce fluide, & compoſoient le brouillard obſervé en juin. Mém. de l’acad. de Dijon.

Un habile phyſicien d’Italie, M. Caſtelli, tire l’origine des météores extraordinaires de 1783, premièrement du défaut de pluie, qui a eu lieu pendant pluſieurs mois avant leur apparition. Les pluies étant un excellent conducteur du fluide électrique, propre à tranſmettre ſon excès, & à rétablir l’équilibre, ce fluide, concentré dans le ſein de la terre, s’est enfin formé une iſſue. Il la tire, ſecondement, de la grande quantité de neiges qui ont couvert les montagnes, & ſe ſont fondues beaucoup plus tard qu’à l’ordinaire.

Quant à nous, nous penſons que, pendant l’année 1783, il y a eu dans le ſein de la terre une grande ſurabondance de fluide électrique, comme il arrive quelquefois par un concours de certaines circonſtances. Si cette quantité conſidérable de matière électrique n’avoit pu ſe faire jour à la ſurface du globe, il y auroit eu des bouleverſemens plus nombreux. Mais le fluide électrique s’étant diſſipé de différentes manières, ſoit par des tremblemens de terre locaux, ſoit par quelques éruptions volcaniques, il a d’abord entraîné les vapeurs aqueuſes ; enſuite il a emporté, après l’évaporation des vapeurs, qui ont ſucceſſivement diminué par une prompte & abondante diſſipation ; enſuite, dis-je, il a emporté les exhalaiſons terreſtres, qui ont formé ces brouillards extraordinaires ; de ſorte que, dans notre ſentiment, les tremblemens de terre de la Calabre & de la Sicile ne ſont pas les cauſes de ce brouillard, mais ſont, comme le brouillard, des effets produits par le même principe, je veux dire par la ſurabondance du fluide électrique concentré dans la terre à différentes époques, & ſe faiſant jour à la ſurface plus ou moins facilement, selon la diverſité des circonſtances locales.

On peut prouver, par l’obſervation, tous les points ſur leſquels porte cette explication. Premièrement, pendant toute cette année, le fluide électrique a été très-abondant dans la terre, ou dans l’atmoſphère ; la rupture de l’équilibre électrique a été très-fréquente & fort conſidérable. Dans l’Italie, il y a eu des orages terribles ; à Vicence, à Padoue, à Naples, &c., la foudre eſt tombée pluſieurs fois, & en un aſſez grand nombre d’endroits, au rapport de MM. Landriani, Arnolfini, Toaldo, Schintz, Daquin, &c. Nous ne parlons pas ici des tremblemens de terre qu’ont éprouvés la Sicile & la Calabre. Il en a été de même de la Hongrie. Après des tremblemens de terre, la ville de Kremnitz a été incendiée par la foudre. À Genève, les orages ont été très-fréquens, & jamais, dit un obſervateur, on n’y a obſervé des orages auſſi longs, auſſi nombreux, & auſſi effrayans. Il paroît que les plus violens orages ſe ſont rencontrés dans le moment où l’intenſité de la vapeur étoit la plus grande, en particulier le 12 juillet, pendant laquelle, depuis minuit & demie juſqu’à quatre heures & demie, le ciel paroiſſoit en feu, par la ſucceſſion rapide & continuelle de mille éclairs, & un fracas horrible faisoit retentir une ſuite non interrompue d’éclats de tonnerre, qui recommencèrent à ſept heures du matin, pour durer encore juſqu’à huit. On obſerva dans la ville des traces de huit tonnerres, qui avoient frappé des bâtimens ; & à la campagne des environs, il y eut mille accidens funeſtes pendant cette nuit déſaſtreuſe.

Il en a été de même en France. Je ne parlerai ici en détail que d’une province où j’ai eu occaſion d’être plus inſtruit des ravages de la foudre. Elle eſt tombée trois fois dans la ville, près de l’égliſe des pénitens noirs, & ſur l’abbaye du Saint-Esprit, le 10 ſeptembre, à quatre heures & trois quarts du matin ; elle mit alors le feu à un rideau de lit, & briſa les colonnes de cinq lits. Elle exerça auſſi ſes ravages dans les environs de la ville de Beziers. À l’endroit appelé la Galinière, à une demi-lieue, des murs furent abattus. À Lieuran-Ribaute, pluſieurs arbres furent fendus, & la girouette du clocher enlevée par un coup de foudre. Au village de Puiſſerie, pluſieurs animaux furent foudroyés. À Pezenas, le 10 ſeptembre, la foudre tomba à ſix heures du matin. À Lavagnac, qui eſt à une lieue de cette dernière ville, elle mit le feu à un grenier à foin. À Cette, le tonnerre ſe fit beaucoup entendre, de même qu’à Carcaſſonne. À Toulouſe, la foudre tomba ſur la cathédrale, &c. Il ſeroit trop long de continuer le détail des ravages de la foudre dans tout le Languedoc, & dans les autres provinces de France : nous nous contenterons de dire qu’en Provence, au rapport de M. de Lamanon, le tonnerre tua plus de ſoixante perſonnes, & nombre d’animaux ; & que, dans les divers royaumes de l’Europe, où ce brouillard ſe montra, les foudres y furent plus fréquentes que dans les autres années. On ſait qu’une nouvelle île ſe montra dans le voiſinage de l’Iſlande. Tous ces effets annoncent une grande & puiſſante rupture d’équilibre électrique.

Avant l’apparition de ce ſingulier brouillard, les vapeurs furent élevées dans l’atmoſphère, parce que le fluide électrique, en s’échappant, entraîne avec lui les parties aqueuſes qu’il rencontre dans ſon chemin, ainſi que nous l’avons prouvé précédemment, en traitant de l’élévation des vapeurs. Après la diſſipation des vapeurs, ce fluide a dû entraîner une grande quantité d’exhalaiſons terreſtres, dont le nombre l’emportoit de beaucoup ſur celle des vapeurs proprement dites : auſſi a-t-on obſervé que ce brouillard ſec ne faiſoit pas marcher à l’humide l’hygromètre. Ces vapeurs étoient ſi élevées, que les vents ne diſſipoient pas ces brouillards ; & que M. de Lamanon, étant ſur les Alpes, à mille ſix cent ſoixante toises au-deſſus du niveau de la mer, a vu ce brouillard encore plus élevé.