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ralement peu de force, à cauſe qu’ils ont été long-temps expoſés à l’action de l’air, des eaux, & principalement à l’ardeur du ſoleil. Obſervat. minéralog., &c. du P. Pini.

Comme il y a différentes ſortes d’aimant, il eſt à propos d’avoir des ſignes qui indiquent leur bonté. La couleur n’eſt pas un indice certain de leur qualité. On ſait qu’il y a des aimans blancs ; Kolbe en parle dans ſa deſcription du Cap de Bonne-Eſpérance, où on en trouve quelques-uns qui ont beaucoup de vertu. Il en eſt de même des aimans rouges que fournit l’Arabie. Les aimans bleus ſont rarement bons ; mais on en a vu qui étoient aſſez vigoureux, & autant que les noirs qu’on tire de la Macédoine. Cependant, en général, le plus grand nombre des bons aimans eſt noir, & même d’un noir foncé.

Des ſignes plus ſûrs de la bonté des aimans que la couleur, ſont la denſité, la dureté, l’homogénéïté de leur ſubſtance, d’où réſulte un certain brillant ou luiſant qui ne trompe guère. Néanmoins la meilleure marque, c’eſt la quantité de limaille de fer, dont un aimant ſe couvre, lorſqu’après l’y avoir plongé, on l’en retire. S’il porte, non armé, ni taillé, de petites maſſes ferrugineuſes, on ſera encore plus aſſuré de ſon efficacité.

[Cette pierre fameuſe a été connue des anciens ; car nous ſavons, ſur le témoignage d’Ariſtote, que Thalès, le plus ancien philoſophe de la Grèce, a parlé de l’aimant : mais il n’eſt pas certain que le nom employé par Ariſtote ſoit celui dont Thalès s’eſt ſervi. Onomacrite, qui vivoit dans la LXme olimpiade, & dont il nous reſte quelques poéſies, ſous le nom d’Orphée, eſt celui qui nous fournit le plus ancien nom de l’aimant ; il l’appelle μαγνήτης. Hippocrate, (lib. de ſterilib. Mulier.), a déſigné l’aimant ſous la périphraſe de la pierre qui attire le fer, λὶϑος ἢτις τὸν σὶδηρον ὰρῶάξες.

Les arabes & les portugais ſe ſervent de la même périphraſe, que Sextus Empiricus a exprimée en un ſeul mot, σιδηραγωγός. Sophocle, dans une de ſes pièces qui n’eſt pas venue juſqu’à nous, avoit nommé l’aimant Δυδὶα λὶϑος, pierre de lydie. Héſychius nous a conſervé ce mot, auſſi bien que Λυδικὴ λὶϑος, qui en eſt une variation. Platon, dans le Timée, appelle l’aimant Ἡρακλέια λιϑος, pierre d’héraclée, nom qui eſt un des plus uſités parmi les Grecs.

Ariſtote a fait plus d’honneur que perſonne à l’aimant, en ne lui donnant point de nom ; il l’appelle ἡ λὶϑος, la pierre par excellence. Themipius s’exprime de même. Théophraſte, avec la plupart des anciens, a ſuivi l’appellation déjà établie de λὶϑος Ἡρακλεὶα.

Pline, ſur un paſſage mal entendu de ce philoſophe, a cru que la pierre de touche, cotticula, qui, entre ſes autres noms, a celui de Δυδὴ λιϑος avoit de plus celui d’Ἡρακλεὶα commun avec l’aimant : les Grecs & les Latins ſe ſont auſſi ſervis du mot σιδηρὶτις tiré de σιδήρος, fer, d’où eſt venu le vieux nom françois pierre ferrière. Enfin, les Grecs ont diverſifié le nom de μαγνὴτης en diverſes façons : on trouve dans Tzetzès μαγνὴσσα λἰϑος ; dans Achille Tatius, μαγνὴσια ; μαγνὴτις dans la plupart des auteurs ; μαγνὶτις dans quelques-uns, auſſi-bien qu’Ὁ λίϑος μαγνίτης, par la permutation de η en ι, familière aux Grecs dès les premiers temps ; & μαγνης qui n’eſt pas de tous ces noms le plus uſité parmi eux, eſt preſque le ſeul qui ſoit paſſé aux latins.

Pour ce qui eſt de l’origine de cette dénomination de l’aimant, elle vient manifeſtement du lieu où l’aimant a d’abord été découvert. Il y avoit dans l’Aſie mineure deux villes appelées Magnétie : l’une auprès du Méandre ; l’autre ſous le mont Sypile, cette dernière qui appartenoit particuliérement à la Lydie, & qu’on appeloit auſſi Héraclée, ſelon le témoignage d’Œlius Dyoniſius dans Euſtate, étoit la vraie patrie de l’aimant. Le mont Sypile étoit ſans doute fécond en métaux, & en aimant par conſéquent ; ainſi, l’aimant appelé magnes du premier lieu de ſa découverte, a conſervé ſon ancien nom, comme il eſt arrivé à l’acier & au cuivre, qui portent le nom des lieux où ils ont été découverts : ce qu’il y a de ſingulier, c’eſt que le plus mauvais aimant des cinq eſpèces que rapporte Pline, étoit celui de la magnéſie d’Aſie mineure, première patrie de l’aimant, comme le meilleur de tous étoit celui d’Éthiopie.

Marbodœus dit, que l’aimant a été trouvé chez les Troglodytes, & que cette pierre vient auſſi des Indes. Iſidore de Séville dit que les Indiens l’ont connu les premiers ; &, après lui, la plupart des auteurs du moyen & bas-âge, appellent l’aimant, Lapis indicus, donnant la patrie de l’eſpèce à tout le genre.

Les anciens n’ont guère connu de l’aimant que ſa propriété d’attirer le fer ; c’étoit le ſujet principal de leur admiration, comme l’on peut voir par ce beau paſſage de Pline : Quid lapidis rigore pigrius ? Ecce ſenſus manuſque tribuit illi natura. Quid ferri duritie pugnacius ? Sed cedit & patitur mores : trahitur namque à Magnete lapide, domitrixque illa, rerum omnium materia ad inane neſcio quid currit, atque ut propiùs venit, aſſiſtit teneturque, & complexu hœret. Plin. lib. XXXVI, cap. xvj.

Cependant, il paroît qu’ils ont connu quelque choſe de ſa vertu communicative. Platon en donne un exemple dans Lyon, il décrit cette fameuſe chaîne d’anneaux de fer ſuſpendus les uns aux autres, & dont le premier tient à l’aimant. Lucrèce, Philon, Pline, Gallien, Néméſius, rapportent le même phénomène, & Lucrèce fait de