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temps de guerre, soit qu’il fallût préparer sur nos frontières les moyens d’attaque contre l’étranger, soit qu’il fallût les protéger contre l’invasion. La défensive générale de la France devrait être prévue, et l’organisation militaire fondée sur cette base. Alors chaque division serait une section de l’Échiquier stratégique (Voyez l’article Stratégie), déterminée d’après les rapports généraux du terrain, d’après les lignes de défense et d’invasion, d’après les places fortes, les postes et les positions, d’après les grandes voies de communication, enfin d’après tous les moyens de résistance que présente chaque contrée. Les gardes nationales devraient être organisées dans ce but, ainsi que l’administration des départements.

L’indépendance du royaume et la conservation du territoire peuvent dépendre d’une bonne ou mauvaise défensive. Tout doit être sacrifié à cet objet si important. La configuration actuelle de la France rend ces mesures plus urgentes pour elle que pour les autres puissances de l’Europe[1].

Le général Pelet.

DIVORCE, (Législation.) Le divorce, tel qu’on le comprend généralement, consiste dans la faculté que la loi accorde, en certains cas, et sous certaines conditions, soit à l’un ou à l’autre des époux, soit à tous les deux ensemble, de provoquer la dissolution de leur mariage.

Ainsi défini, le divorce diffère de la simple répudiation, qui s’entend ordinairement du droit que les lois ou usages de certains pays accordaient aux maris de renvoyer leurs femmes, sans attribuer à celles-ci la faculté de rompre également leurs liens.

Cette sorte de répudiation, que lon a quelquefois confondue avec l’institution du divorce, était fort en usage chez les peuples primitifs. On la trouve établie chez les Hébreux même avant Moïse ; et le Deutéronome même en fournit la preuve[2].

Chez les Perses les lois de Zoroastre admettaient aussi les maris à répudier leurs femmes pour des causes dont plusieurs sont mentionnées aux livres zends.

On lit dans Plutarque que, chez les premiers Romains, la loi de Romulus, en défendant aux femmes de quitter leurs maris, autorisait ceux-ci à répudier leurs femmes pour adultère et dans quelques autres cas spécifiés ; mais que, si un mari répudiait sa femme pour toute autre cause, il devait lui céder la moitié de son bien et donner l’autre moitié à Cérès[3]. Quelle que fût la bizarrerie de cette dernière disposition, et à quelque prix que fût mis l’exercice de la répudiation, c’était néanmoins encore une faculté accordée au mari sans réciprocité.

Parmi les monuments que nous retrace l’histoire des anciens peuples, la loi de Solon est la première qui se présente comme ayant admis l’un et l’autre sexe à l’exercice de la répudiation, qui, rendue commune aux femmes ainsi qu’à leurs maris, et appliquée dans des cas déterminés, constituait réellement ce que nous appelons divorce.

Cette institution existait donc à Athènes[4] comme un remède mutuellement accordé à l’un et à l’autre époux ; ce n’était plus seulement un avantage accordé au plus fort sur le plus faible ; ce n’était plus un privilége marital : c’était un droit commun et réciproque ; et cet exemple influa sur les usages d’autres peuples, et notamment des Romains, chez lesquels l’innovation s’introduisit plusieurs siècles plus tard.

L’auteur de l’Esprit des Lois[5] conjecture, avec beaucoup de vraisemblance, que ce fut sous la république, et à l’époque où les commissaires romains envoyés en Grèce rapportèrent d’Athènes les instructions qui servirent à composer cette fameuse loi des Douze Tables dont il n’est, comme on le sait, parvenu jusqu’à nous que de très-légers fragments.

La loi hébraïque subit aussi la même modification que celle de Rome, puisqu’au temps d’Auguste, on voit Salomé, sœur d’Hérode, répudier Cosroban, son mari. L’historien Josèphe, qui rapporte cet exemple, ne manque pas de remarquer qu’il était contraire à la loi primitive ; mais il convient qu’il ne tarda point à être imité[6].

C’est ainsi que les institutions s’étendent ou se modifient dans le cours des siècles ; et ce qui est fort remarquable, c’est qu’on ait, selon les rapports des voyageurs, trouvé le divorce organisé dans les îles Maldives, la première fois qu’on y aborda, et même dans le Mexique lorsqu’on découvrit l’Amérique. Ces pays, sans relations avec ceux que nous avons précédemment nommés, n’avaient sans doute pas adopté le divorce par imitation ; et il est bien difficile de ne pas considérer, comme entrant dans la nature et les besoins de l’humanité, une institution qui s’aperçoit presque à tous les âges et dans tous les lieux du monde.

  1. Cet article a été écrit en 1827, pour la 1re édition de l’Encyclopédie.
  2. Chap. 24, v. 1, 2 et 3. Voyez les explications données à ce sujet par M. de Pastoret, dans son ouvrage sur Moïse considéré comme législateur et moraliste.
  3. Voyez Plutarque, Vie de Romulus, chap. 29, traduction de Ricard.
  4. Voyez l’introduction au Voyage du jeune Anacharsis en Grèce, et les auteurs que cite l’abbé Barthélemi, pag. 116.
  5. Liv. XVI, chap. 16.
  6. Antiq. jud., lib. XV, c. 11 ; lib. XVIII, c. 7, et lib. XX c. 8.