Page:Encyclopedie Planches volume 3.djvu/51

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sont que de trois longueurs, cette fonction se fait avec la chausse & les ciseaux, de la même façon qu’il a été expliqué pour les tronçons, & ce coupeur se sert de boîtes de différentes grandeurs, suivant la sorte des épingles, lesquelles sont numérotées d’un pareil numéro à celui dont on se sert pour exprimer chaque espece d’épingles pour plus grande facilité. La fig. 10, Pl. II. représente le plan & le profil de l’une de ces boîtes dont un côté numéroté XIV. a seize lignes de large & treize de long, sert aux epingles des num. XIV. & XV. & l’autre numéroté XVII. qui a dix huit lignes de large sur quinze de long, sert aussi pour les épingles des n°. XVI. & XVII.

Lorsque des tronçons de trois longueurs d’épingle on en a coupé une épingle, il en reste deux dont une a la pointe faite; l’on fait ensuite la pointe à l’autre, & on la repasse de la façon expliquée ci-devant; après quoi le coupeur coupe une épingle des deux susdites à sa longueur exacte, suivant la boîte qui lui convient. Et comme nous avons marqué précédemment que les tronçons ont été coupés environ quatre lignes trop longs, la meule ne raccourcissant pas les épingles de leur longueur en faisant les pointes; ces dernieres épingles se trouvent un peu plus longues, & même inégales entr’elles, parce qu’en faisant la pointe, la meule en use quelquefois plus des unes que des autres; & pour les réduire toutes à la longueur convenable, le coupeur met la pointe dans le fond de la boîte à hanse, & coupe l’excédent du côté de la tête, exactement d’après le bord de cette boîte.

Des tronçons de quatre épingles l’on en coupe une épingle à chaque bout, ainsi que nous l’avons dit ci-devant; après quoi on fait les pointes à chaque bout des hanses de deux longueurs d’épingles restantes; le coupeur les reprend ensuite & fait la même opération qui vient d’être expliquée pour les hanses de deux longueurs de deux épingles.

Pour couper les hanses de différentes grosseurs, l’ouvrier gagne 9 den. de la douzaine de milliers d’épingles, compris le treizieme en sus. Il peut en couper ordinairement trois douzaines de milliers par heure, & en forçant un peu le travail, jusqu’à quatre douzaines de milliers; en sorte qu’en moins de trois heures de travail il peut couper les sept à huit douzaines de milliers que fabriquent ordinairement par jour les meilleurs marchands de Laigle, ce qui ne suffit pas pour les occuper toute la journée; au moyen dequoi un coupeur peut suffire à deux ou trois fabriquans, & il peut gagner environ quinze sols par jour. Les ciseaux forment à ces coupeurs un calus de chair morne à la main droite, qui est épais d’un doigt, & leur est même utile pour cette fonction.

Lorsque ces épingles ont été coupées de longueur, on prépare du fil, ainsi qu’il suit, pour faire les tetes.

Il y a un rouet à cet usage (Pl. II. fig. 18.) composé d’une roue qu’on ne voit pas dans la fig. de deux piés huit pouces de diametre avec sa manivelle de six pouces de longueur, d’une noix 1, représentée plus en grand au-dessous (fig. 20), laquelle a trois lignes de diametre dans le milieu, & dix-huit lignes de longueur, au milieu de laquelle passe une broche de fer a f, qui lui est fixe, laquelle a huit pouces de longueur, & est percée par le bout a. Cette broche passe au-travers de deux nerfs de bœufs qui sont attachés fixement à une tête de bois e (fig. 18.) laquelle a trois pouces trois lignes de large sur cinq de haut, avec une queue d de six pouces de longueur que l’on passe dans une mortaise de la planche ou table du rouet 7, 7, (même fig.) où elle est arrêtée fixement avec des coins. On passe une corde à boyau sur la grande roue & la noix; & on la serre ou lâche au moyen d’un coin 5, (fig. 18.) que l’on pousse plus ou moins sous le morceau de bois 4 attaché fixement & d’équerre au bas de la tête e.

On attache fixement au bout de la broche a f (fig. 20. Pl. II.) un fil de laiton un peu plus gros que la sorte d’épingle dont on veut faire les têtes, & qui se nomme moule; ensuite on passe le laiton pour faire la tête & quiest très-fin dans la porte b (fig. 14 & 26.) dont le plan est au-dessus & plus en grand à côté; on le fait passer ensuite obliquement contre l’une des épingles q. Ensuite on passe ce fil de tête au-travers du trou de la broche sans l’y attacher. Le même ouvrier tenant ce bois de la porte de sa main gauche proche la broche, & qui soutient le fil de tête contre le moule, tourne avec son autre main la manivelle du rouet, en retirant sa main gauche le long du moule, à mesure que le fil de la tête se devide autour, suivant le plus ou moins de vîtesse avec laquelle il tourne la manivelle, ce qui forme une ligne spirale adhérente & contiguë au moule. Ce fil se devide sur un tourniquet monté sur un pié qui est auprès; & pour soutenir le moule, on met un bâton fourchu par en-haut porté sur un pié ambulant.

On continue ainsi de tourner la manivelle jusqu’à ce que l’ouvrier ait étendu les bras autant qu’il le peut, ce qui est la mesure de chaque moulée, & peut avoir cinq à six piés suivant la grandeur de l’ouvrier; ensuite de quoi il coupe le fil de tête, met la moulée à part, & le moule étant toujours attaché fixement à la broche, il recommence la premiere opération susdite; ce fil ainsi tors, ressemble aux bords de chapeaux, nommés ragotz y, lesquels sont faits de la même façon avec du fil d’argent. L’on emploie le meilleur fil de laiton pour les têtes; & lorsqu’il y a une certaine quantité de moulées de faite, le même ouvrier les coupe pour faire les têtes de la façon suivante.

Cet ouvrier s’assied à terre ou sur une sellette basse en croisant les jambes comme un tailleur, ayant une peau liée autour de lui, attachée sur une autre sellette qui est devant lui pour recevoir les têtes, il tient de la main droite le ciseau représenté par la fig. 11. Pl. II. dont il met le bout du bras le plus long qui est plat, ainsi qu’il se voit par le profil joignant, sous son jarret, comme pour couper les tronçons & hanses ci-devant dits, quoiqu’il ne soit pas assis de-même. De la main gauche il tient sa tranche de têtes composée de douze moulées, dont il égalise le bout contre les ciseaux en commençant; ensuite il donne environ douze coups de ciseau de suite, en ne coupant à chacun que deux pas ou cercles des moulées qui sont nécessaires pour faire les têtes, ce qui est très-difficile & demande une grande expérience, attendu la vîtesse avec laquelle ces coups de ciseaux sont donnés, qui est d’environ soixante & dix par minute; & aussi le nombre des moulées qui sont coupées à chaque coup: les têtes qui se trouvent avoir plus ou moins de deux cercles, ne peuvent être employées, ce qui oblige d’autant plus l’ouvrier à acquérir la précision requise: ensuite il égalise comme auparavant ces moulées contre les ciseaux, & donne de rechef environ douze autres coups de ciseaux, & ainsi de suite jusqu’au bout de la tranche de tête: ce qui est encore plus merveilleux, c’est qu’il y a des ouvriers si expérimentés qu’ils coupent sans se reprendre & de suite la tranche entiere.

L’ouvrier peut, comme on l’a déja dit, donner soixante dix coups de ciseaux par minute, c’est par heure quatre mille deux cens; & comme il coupe douze moulées à chaque coup de ciseau, cet ouvrier peut couper cinquante mille quatre cens têtes de menues épingles en une heure (les grosses étant plus difficiles), ce qui feroit néanmoins un travail forcé, parce qu’il n’est point déduit de tems pour les reprises dans ce calcul; mais en y ayant égard, un ouvrier peut communément couper trente milliers par heure, grosses & menues l’une dans l’autre, il ne pourroit pas même continuer sur ce pié toute la journée, parce que la vue fatigue beaucoup à cette fonction, mais il peut en couper quinze douzaines de milliers, grosses & menues, par jour.

L’ouvrier a 3 den. pour tourner une douzaine de milliers de têtes, & 9 den. pour les couper séparément; & comme il peut en couper quinze douzaines par jour, ainsi qu’il est dit ci-devant, il gagneroit 11 s. 3 den. Il ne peut faire que douze douzaines par jour, de têtes & couper, ce qui revient à 12 sols.

Le rouet coûte 4 liv. avec la porte, & les ciseaux autant.

Lorsque les moulées pour faire les têtes ont été coupées, on en met deux ou trois livres pesant dans une cuillere de fer, & qui contient dix à douze douzaines