Page:Engel - Traité de la nature, de la culture, et de l'utilité des pommes de terre, 1771.djvu/46

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les Européens n’en font cas que par air & par luxe ; ils préferent eux-mêmes les racines du pays. Dans le Chili, à ce qu’un ami qui y a demeuré pluſieurs années, m’a aſſuré, ils préferent leurs papas ou pommes de terre, au pain, quoique le plus beau froment y ſoit à vil prix ; & depuis que cet excellent aliment a été porté en Europe, il a fait des progrès étonnants, & la moitié du peuple s’en nourrit, quoiqu’il eut été auparavant accoutumé au pain, comme les habitans des alpes du laitage, ſur-tout du fromage, & ne mangent pas autant de pain dans un an, que d’autres dans un mois ; tout eſt goût & habitude.

Je ſuis bien éloigné de vouloir faire favoriſer la culture des pommes de terre, au détriment des bons bleds : je les regarde comme denrées également propres à la nourriture, en donnant la préference aux bleds, par pluſieurs raiſons.

1°. Le pain fait de divers bleds, conſtitue la principale nourriture des campagnards même, preſque l’unique des habitans des villes ; celui de certains bleds, non de tous, eſt très ſain & agréable.

2°. Ils ont une préference, qui fait une ſuperiorité des plus conſiderables, par leur qualité de pouvoir ſe conſerver très longues années ; autrefois à la vérité, ſupportant une forte décale dans les premieres, au point que le Souverain fait un ſacrifice, que l’on ignore communément ; c’eſt que pour la grande proviſion qu’il entretient pour les beſoins de ſes reſſortiſſants,