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Histoire d’un paysan.

Devant le grand soufflet de la forge, maître Jean, un marteau à la main, parle à Valentin, qui s’appuie sur un second marteau. Quelques autres marteaux traînent au sol. On aperçoit des arbres et une maison par le trou entre le mur et le toit de la forge.
« Mais, animal, si ces choses n’existaient pas, tu serais maître forgeron. » (Page 12.)

t’asseoir à côté de moi, dans le royaume des cieux. »

J’entrai donc. Et voilà que dans la grande salle, autour de la table, se trouvait une quantité de monde : des Baraquins, des rouliers d’Alsace, Nicole, la mère Catherine et le père Bénédic. Maître Jean, au milieu d’eux, leur montrait un sac rempli de grosses pelures grises, disant que ces pelures venaient du Hanovre ; qu’elles produraient des racines excellentes en si grand nombre, que les gens du pays en avaient de quoi manger toute l’année. Il les engageait à en planter, leur prédisant qu’on ne reverrait plus la famine aux Baraques, et que ce sera une véritable bénédiction pour nous tous.

Maître Jean disait ces choses simplement, la figure joyeuse ; Chauvel, derrière, avec sa petite Marguerite, écoutait.

Les autres prenaient de ces pelures dans leur main, ils les regardaient, ils les sentaient, et puis ils les remettaient dans le sac, riant en dessous comme pour dire :

« A-t-on jamais vu planter des pelures ? C’est contraire au bon sens. »

Quelques-uns même se donnaient de petits coups de coude par derrière, pour se moquer du parrain. Tout à coup le père Bénédic, son gros nez penché et ses petits yeux de hérisson fermés d’un air moqueur, se mit à rire en se retournant, et toute la bande éclata de rire.

Maitre Jean, indigné, leur dit :

« Vous riez comme de véritables bêtes, sans