Page:Erckmann-Chatrian - Histoire d’un conscrit de 1813.djvu/117

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Alors nous fûmes dans la ville, pavée de gros cailloux luisants. Chacun faisait ce qu’il pouvait pour ne pas boiter, car, malgré la nuit, toutes les auberges, toutes les boutiques des marchands étaient ouvertes ; leurs grandes fenêtres brillaient, et des centaines de gens allaient et venaient comme en plein jour.

Nous tournâmes cinq ou six coins de rue, et bientôt nous arrivâmes sur une petite place, devant une haute caserne, où l’on nous cria : « Halte ! »

Il y avait une voûte au coin de la caserne, et, dans cette voûte, une cantinière assise derrière une petite table, sous un grand parapluie tricolore où pendaient deux lanternes.

Presque aussitôt plusieurs officiers arrivèrent : c’étaient le commandant Gémeau et quelques autres que j’ai connus depuis. Ils serrèrent la main du capitaine en riant ; puis ils nous regardèrent, et l’on fit l’appel. Après quoi nous reçûmes chacun une miche de pain de munition et un billet de logement. On nous avertit que l’appel aurait lieu le lendemain à huit heures pour la distribution des armes, et l’on nous cria : « Rompez les rangs ! » pendant que les officiers remontaient la rue à gauche et entraient ensemble dans un grand café, où l’on montait par une quinzaine de marches.