Page:Erckmann-Chatrian - Histoire d’un conscrit de 1813.djvu/157

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Alors, lui, clignant de l’œil, dit :

« Tout se remue, tout est en l’air… Tu ne comprends pas encore ça, conscrit, mais il est là, je le sens jusqu’à la pointe des pieds. Quand il n’est pas arrivé, tout ne va que d’une aile ; et maintenant, tiens, là-bas, regarde ces estafettes qui galopent sur les routes, tout commence à revivre. Attends la première danse, attends, et tu verras : les Kaiserlicks et les Cosaques n’ont pas besoin de leurs lunettes pour voir s’il est avec nous ; ils le sentent tout de suite. »

En parlant ainsi, le sergent riait dans ses longues moustaches.

J’avais des pressentiments qu’il pouvait m’arriver de grands malheurs, et j’étais pourtant forcé de faire bonne mine.

Enfin le sergent ne se trompait pas, car, ce même jour, vers trois heures de l’après-midi, toutes les troupes cantonnées autour de la ville se mirent en mouvement, et, sur les cinq heures, on nous fit prendre les armes : le maréchal prince de la Moskowa entrait en ville, au milieu d’une grande quantité d’officiers et de généraux qui formaient son état-major : presque aussitôt, le général Souham, un homme de six pieds, tout gris, entra dans la citadelle et nous passa en revue sur la place. II nous dit