Page:Erckmann-Chatrian - Histoire d’un conscrit de 1813.djvu/160

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Il reconnut aussi la rivière et dit que c’était la Saale.

On s’approcha le plus près qu’on put de l’eau, pour tirer des coups de fusil aux cavaliers, qui se retirèrent plus loin, et disparurent même au fond du ciel rouge. On établit alors le bivac près de la rivière, on plaça des sentinelles. Nous avions laissé sur notre gauche un grand village ; un détachement s’y rendit, pour tâcher d’avoir de la viande en la payant, car, depuis l’arrivée de l’Empereur, on avait l’ordre de tout payer.

Dans la nuit, comme nous faisions la soupe, d’autres régiments de la division arrivèrent ; ils établirent aussi leurs bivacs le long de la rive, et c’était quelque chose de magnifique que ces traînées de feu tremblotant sur l’eau.

Personne n’avait envie de dormir ; Zébédé, Klipfel, Furst et moi, nous étions à la même gamelle, et nous disions en nous regardant :

« C’est demain que ça va chauffer, si nous voulons passer la rivière ! Tous les camarades de Phalsbourg, qui prennent leur chope à la brasserie de l’Homme Sauvage, ne se doutent pas que nous sommes assis à cet endroit, au bord d’une rivière, à manger un morceau de vache, et que nous allons coucher sur la terre, attraper des rhumatismes pour nos vieux jours, sans