Page:Erckmann-Chatrian - Histoire d’un conscrit de 1813.djvu/198

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mais je leur ai répondu que, lorsque Michel Ney reculait, Joseph Bertha pouvait bien reculer aussi.

Klipfel, Zébédé, le sergent Pinto, tous ceux que je connaissais à la compagnie étaient encore dehors, et j’entendais un bruit tellement épouvantable qu’on ne peut s’en faire une idée. Des masses de fumée passaient par-dessus les toits, les tuiles roulaient et tombaient dans la rue, et les boulets enfonçaient les murs ou cassaient les poutres avec un fracas horrible.

En même temps, de tous côtés, par les ruelles, par-dessus les haies et les palissades des jardins, entraient nos soldats en se retournant pour faire feu. Il y en avait de tous les régiments, sans shakos, déchirés, couverts de sang, l’air furieux, et, maintenant que j’y pense après tant d’années, c’étaient tous des enfants, de véritables enfants : sur quinze ou vingt, pas un n’avait de moustaches ; mais le courage est né dans la race française !

Et comme les Prussiens, — conduits par de vieux officiers qui criaient : « Forwertz ! Forwertz ! » — arrivaient en se grimpant en quelque sorte sur le dos, comme des bandes de loups, pour aller plus vite, nous, au coin d’une grange,