Page:Erckmann-Chatrian - Histoire d’un conscrit de 1813.djvu/210

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Je me réveillai dans la nuit, au milieu du silence. Des nuages traversaient le ciel, et la lune regardait le village abandonné, les canons renversés et les tas de morts, comme elle regarde, depuis le commencement du monde, l’eau qui coule, l’herbe qui pousse et les feuilles qui tombent en automne. Les hommes ne sont rien auprès des choses éternelles ; ceux qui vont mourir le comprennent mieux que les autres.

Je ne pouvais plus bouger, et je souffrais beaucoup ; mon bras droit seul remuait encore. Pourtant je parvins à me dresser sur le coude, et je vis les morts entassés jusqu’au fond de la ruelle. La lune donnait dessus ; ils étaient blancs comme de la neige : les uns la bouche et les yeux tout grands ouverts ; les autres la face contre