Page:Erckmann-Chatrian - Histoire d’un conscrit de 1813.djvu/239

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j’étais folle de pleurer jour et nuit, et elle pleurait autant que moi, toute seule le soir auprès de l’âtre, je l’entendais bien d’en haut; et sa colère retombait sur Pinacle, qui n’osait plus aller au marché, parce qu’elle avait un marteau dans son panier. « Mais notre plus grand chagrin de tout, Joseph, c’est quand le bruit a couru qu’on venait de livrer une bataille, où des mille et mille hommes avaient été tués. Nous ne vivions plus; la mère courait tous les matins à la poste, et moi je ne pouvais plus bouger de mon lit. Â la fin des fins ta lettre est pourtant arrivée. Maintenant je vais mieux, parce que je pleure à mon aise, en bénissant le Seigneur qui a sauvé tes jours. « Et quand je pense combien nous étions heureux dans le temps, Joseph, lorsque tu venais tous les dimanches, et que nous restions assis l’un près de l’autre sans bouger, et que nous ne pensions à rien ! Ah ! nous ne connaissions pas notre bonheur; nous ne savions pas ce qui pouvait nous arriver; mais que la volonté de Dieu soit faite. Pourvu que tu guérisses, et que nous puissions espérer encore une fois d’être ensemble comme nous étions ! « Beaucoup de gens parlent de la paix, mais nous avons eu tant de malheurs, et l’empereur Napoléon