Page:Erckmann-Chatrian - Histoire d’un conscrit de 1813.djvu/253

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C’est bien possible, lui répondis-je. Ils n’avaient pas l’air aussi bons garçons que tu le racontais. — Non, fit-il. Ces gens-là, vois-tu, sont bien au-dessous des anciens étudiants que j’ai vus. Ceux-là passaient en quelque sorte leur existence à la brasserie. Ils buvaient des vingt et même des trente chopes dans leur journée ; moi-même, Joseph, je ne pouvais pas lutter contre des gaillards pareils. Cinq ou six d’entre eux, qu’on appelait senior, avaient la barbe grise et l’air vénérable. Nous chantions ensemble Fanfan-la-Tulipe et Le Roi Dagobert, qui ne sont pas des chansons politiques ; mais ceux-ci ne valent pas les anciens. » J’ai souvent pensé depuis à ce que nous avions vu ce jour-là, et je suis sûr que ces étudiants faisaient partie du Tugend-Bund. En rentrant à l’hôpital, après avoir bien dîné et bu chacun notre bouteille de bon vin blanc à l’auberge de la Grappe, dans la rue de Tilly, nous apprîmes, Zimmer et moi, que nous irions coucher le soir même à la caserne de Rosenthâl. C’était une espèce de dépôt des blessés de Lutzen, lorsqu’ils commençaient à se remettre. On y vivait à l’ordinaire comme en garnison ; il fallait répondre à l’appel du matin et du soir. Le reste du temps on était libre. Tous les trois jours,