Page:Erckmann-Chatrian - Histoire d’un conscrit de 1813.djvu/280

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puis l’arrivée des vétérans d’Espagne, des hommes terribles, habitués au pillage et qui montraient aux jeunes à vivre sur le paysan. Malheureusement, à la fin de l’armistice, tout le monde s’est mis contre nous ; les gens nous avaient pris en horreur ; on coupait les ponts sur nos derrières, on avertissait les Prussiens, les Russes et les autres de nos moindres mouvements, et chaque fois qu’il nous arrivait une débâcle, au lieu de nous secourir, on tâchait de nous enfoncer encore plus dans la bourbe. Les grandes pluies étaient venues pour nous achever. Le jour de la bataille de Dresde, il en tombait tellement, que le chapeau de l’Empereur lui pendait sur les deux épaules. Mais quand on remporte la victoire, cela vous fait rire : on a chaud tout de même, et l’on trouve de quoi changer ; le pire de tout, c’est quand on est battu, qu’on se sauve dans la boue, avec des hussards, des dragons et d’autres gens de cette espèce à vos trousses, et qu’on ne sait pas, lorsqu’on découvre au loin dans la nuit une lumière, s’il faut avancer ou périr dans le déluge. Zébédé me racontait ces choses en détail. Il me dit qu’après la victoire de Dresde le général Vandamme, qui devait fermer la retraite aux Autrichiens, avait pénétré du côté de Kulm, dans