Page:Erckmann-Chatrian - Histoire d’un conscrit de 1813.djvu/285

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d’une pareille existence ; je sentais que les jambes m’entraient jusque dans les côtes, et je dépérissais à vue d’œil. Tous les soirs il fallait faire faction, à cause d’un gueux nommé Thielmann, qui soulevait les paysans contre nous ; il nous suivait comme notre ombre, il nous observait de village en village, sur les hauteurs, sur les routes, dans le creux des vallons : son armée, c’étaient tous ceux qui nous en voulaient ; il avait toujours assez de monde. C’est aussi vers ce temps que les Bavarois, les Badois et les Wurtembergeois se déclarèrent contre nous, de sorte que toute l’Europe était sur notre dos. Enfin nous eûmes la consolation de voir que l’armée se ramassait comme pour une grande bataille ; au lieu de rencontrer les Cosaques de Platow et les partisans de Thielmann aux environs des villages, nous trouvions des hussards, des chasseurs, des dragons d’Espagne, de l’artillerie, des équipages de ponts en marche. La pluie tombait à verse ; ceux qui n’avaient plus la force de se traîner s’asseyaient dans la boue au pied d’un arbre et s’abandonnaient à leur malheureux sort. Le 11 octobre, nous bivaquions près du village de Lousig ; le 12, près de Grafenheinichen ; le